Ken Loach dans son film « Moi, Daniel Blake » dépeint la dureté quotidienne de deux êtres pris dans les filets des aberrations administratives de la Grande Bretagne d’aujourd’hui. Le synopsis est le suivant : Pour la première fois de sa vie, Daniel Blake, un menuisier anglais de 59 ans est contraint de faire appel à l’aide sociale car il a de sérieux problèmes cardiaques. Son médecin traitant lui a formellement interdit de travailler, mais il se voit contraint de chercher un emploi sous peine de sanctions. Au cours de ses rendez-vous récurrents au « Job Center », Daniel fait la connaissance de Katie Morgan, maman célibataire de deux enfants, qui a été obligée d’accepter un logement à 450 km de sa ville natale pour éviter d’être placée en foyer d’accueil. Ces deux êtres cabossés par la vie, vulnérables et laissés sur le bas côté du chemin vont tenter de s’entraider. L’idée de ce film est né chez Ken Loach et chez Paul Laverty, le scénariste, après la campagne de dénigrement systématique menée par la presse de droite contre tous les bénéficiaires de l’Aide sociale. Certains médias médias se délectaient alors de la détresse des gens en perdition d’une manière obscène. C’était encore plus frappant si ces gens étaient alcooliques car la presse disait alors que ces personnes en difficulté dilapidaient l’argent des contribuables en alcool. C’est à cette même époque que le Département des Affaires sociales mit en place des sanctions qui pouvaient faire suspendre las allocations pendant des périodes allant d’un mois jusqu’à trois ans. Le film de Ken Loach est un film brut qui montre comment des besoins vitaux élémentaires comme se nourrir, se chauffer, se loger demandent parfois des efforts titanesques. Le film montre aussi que la plupart des personnes qui fréquentent les banques alimentaires ne sont pas toujours des chômeurs, mais des travailleurs pauvres. Ken Loach, une fois de plus, dénonce grâce à son film, des phénomènes intolérables en espérant que le spectateur en quittant la projection aura envie que cet état de fait change et évolue. Son objectif est que la réforme sociale passe par le vecteur du cinéma. Pour lui le cinéma a cette mission.
Juste la fin du monde de Xavier Dolan
Le jeune Xavier Dolan était bouleversé lorsqu’il est monté sur la scène du Palais des Festivals pour recevoir le Grand Prix du Jury. Très ému et avec des sanglots dans la voix, il a expliqué qu’il n’est pas toujours facile de faire partager ses émotions aux autres car la violence sort parfois comme un cri ou comme un regard qui tue. Il a aussi expliqué qu’il espérait ne pas avoir déçu l’auteur de la pièce « Juste la fin du monde », Jean-Luc Lagarde d’où est tiré son film, où qu’il soit. Le film raconte l’histoire d’un écrivain, qui après quinze ans d’absence retourne dans son village natal pour annoncer à sa famille qu’il va mourrir du sida. « Ces êtres sont parfois méchants, violents, mais surtout blessés et ne savent pas communiquer entre eux. Ils s‘aiment mais ne savent pas se le dire comme tant d’entre nous, comme tant de mères, de frères, de sœurs. Tout ce qu’on fait dans la vie, c’est pour être aimé, en tout cas, moi, tout ce que je fais c’est pour être aimé », a déclaré le jeune réalisateur avec des sanglots dans la voix. « Je préfère la folie des passions à la sagesse de l’indifférence » a-t-il ajouté, bouleversé après avoir rendu hommage au chef costumier du film récemment décédé.
Cristian Mungiu pour Bacalauréat
Le réalisateur roumain, Cristian Mungiu est un habitué du Festival de Cannes. Son second long métrage « 4 mois, 3 semaines, 2 jours » avait d’ailleurs reçu la Palme d’or lors du Festival de Cannes 2007, puis le Prix du scénario pour son film « Au delà des collines ». Le synopsis de « Bacalauréat" est le suivant : Romeo, médecin plasticien dans une petite ville de Transylvanie, a tout mis en œuvre pour que sa fille Eliza soit acceptée dans une université anglaise. Il ne reste plus à la jeune fille qui est une excellente élève qu’à passer son baccalauréat. Alors que tout devait bien se passer et que l’avenir semblait plein de promesses, la jeune lycéenne se fait violemment agresser sexuellement. Traumatisée et un bras dans le plâtre, elle n’est pas au top pour passer l’examen indispensable pour obtenir sa bourse pour étudier à Harward. Pour Romeo, le choc est brutal. Il en oublie toutes ses valeurs et est prêt à bafouer tous les principes qui sont profondément ancrés en lui. Principes qu’il a d’ailleurs inculqués à sa fille depuis qu’elle est née. Entre compromis et compromissions, jusqu’où sera t-il capable d’aller ? La fin justifie -t- elle les moyens ?
Olivier Assayas pour Personal Shopper
Maureen, une jeune américaine à Paris s’occupe de la garde-robe d’une star. Elle est Personal shopper, c’est à dire qu’elle choisit chez les grands couturiers et les créateurs les tenues que la
personnalité qui l’emploie portera pour le Festival de Cannes, pour la soirée de l’Amfar, pour la Fashion Week. C’est un job qu’elle n’aime pas car il lui paraît superficiel, mais il lui permet de
gagner sa vie. Deux ans après « Sils Maria », Kristen Stewart tourne à nouveau sous la direction d’Olivier Essayas. Son personnage est complexe, énigmatique, ambivalent car Maureen
est à la fois moderne, rationnelle, mais attirée par le surnaturel. Elle vient de perdre son frère jumeau et rêverait d’entrer en contact avec le défunt grâce au spiritisme.
Elle méprise sa condition de Personal Shopper et la femme riche et célèbre qui l’emploie, mais ne peut s’empêcher de se glisser dans ses vêtements, de transgresser les interdits et d’en éprouver du
plaisir. Elle est attirée par le monde dans lequel elle évolue et fascinée par ce qu'elle déteste. Kristen Stewart est admirablement dirigée par Olivier Assayas.
Asghar Farhadi est un réalisateur et un scénariste iranien. Forushande relate l’histoire d’un couple, Emad et Rana, contraints de quitter leur appartement du centre de Téhéran en raison d’importants travaux menaçant leur immeuble. Ils aménagent dans un nouveau logement. Un incident en rapport avec l’ancienne locataire survient et va bouleverser à tout jamais la vie de ce jeune couple de comédiens qui jouent la célèbre pièce de théâtre d’Arthur Miller, « Mort d’un commis voyageur ». Asghari Farhadi décortique à nouveau avec beaucoup de clairvoyance et de finesse, la complexité des rapports homme-femme dans le couple. En 2013, le réalisateur avait déjà été primé à Cannes car Bérénice Bejo avait reçu le prix d’interprétation féminine pour son rôle dans « le Passé » qu‘elle interprétait avec Tahar Rahim.
American Honey d’Andrea Arnold
Le Prix du Jury a été remis à Andréa Arnold par Kristen Dunst et Vanessa Paradis. Après avoir reçu son trophée, la réalisatrice a déclaré : « Quand je suis heureuse, j’ai envie de danser.
C’est vraiment incroyable ce qui m’arrive. Je voudrais remercier toutes les personnes qui ont participé au film. C’était une belle aventure. Ce prix appartient à toute l’équipe. »
Pour son premier film tourné aux USA, Andréa Arnold a choisi de transposer une histoire ancrée dans le réalisme et basée sur sa propre expérience de voyageuse à travers le pays. Star (Sasha Lane dont
c’est le premier rôle ), une adolescente, quitte sa famille agitée des troubles dysfonctionnels et rejoint une équipe de vente d’abonnements de magazines, qui parcourt le Midwest américain en faisant
du porte à porte. Elle trouve aussitôt sa place parmi cette bande de jeunes dont fait partie Jake (Shia Labeouf), elle adopte rapidement leur style de vie rythmé par des soirées arrosées, de petites
entorses à la loi , de combines pour survivre. Un road- trip américain sur fond de sexe, de drogue et de R’nB’, bien différent du précédent film de la réalisatrice, qui était une
adaptation « des Hauts de Hurlevent ». Ce film est aussi l’histoire d’une passion, celle du coup de foudre de l’héroïne Star pour Jake, l’amant/ recruteur. Coup de foudre, qui décide
d’ailleurs l’adolescente à s’enrôler dans cette équipe et qui lui servira d’une initiation à l’amour, lors d’une relation très compliquée car si l’attirance est réciproque, le jeune homme est
aussi convoité par la patronne de l’équipe.
Jaclyn Jose reçoit le Prix d’interprétation féminine pour son rôle dans Ma’ Rosa du réalisateur philippin Brillante Mendoza déjà récompensé à Cannes pour son film Kinatay qui avait remporté le
Prix de la mise en scène en 2009. L’actrice interprète le rôle de Ma’Rosa, mère de quatre enfants qui tient une petite épicerie dans un quartier pauvre de Manille où elle est très populaire.
Dans son quartier, tout le monde l’apprécie et l’estime.
Leur situation financière étant plus que précaire, elle et son mari Nestor se livrent à l’économie parallèle et vendent des stupéfiant dans leur arrière-boutique. Un jour, sur une dénonciation, ils
sont arrêtés. La police étant corrompue jusqu’à la moelle, les quatre enfants du couple feront l’impossible pour faire libérer leurs parents incarcérés. Un beau film qui montre jusqu’où des enfants
sont capables d’aller par amour pour leurs parents. Ce film est aussi un véritable pamphlet contre la corruption. Emue, en larmes Jaclyn Jose s’est dit « extrêmement surprise ».
« Je viens de monter les marches avec ma fille » a-t-elle ajouté. « Merci à Cannes. Je suis ravie que ce film vous aie plu. J’ai simplement suivi les instructions de Brillante. Merci,
tu es un réalisateur de génie. Je voudrais saluer tous les Philippins, merci à mon pays, merci Monsieur George Miller, merci Messieurs et Mesdames les jurés. »
Saab Hosseini pour Forushande ( Le Client) réalisé par Asghari Farhadi
Le Prix d’interprétation masculine a été remis à, Saab Hosseini qui incarne Emad, le mari de Rana dans Forushande. L’acteur a déclaré : « Je remercie le Jury. Je remercie Cannes, je remercie Asghari Farhadi qui m’a renouvelé sa confiance. Je sais que ce prix, je le dois à mon peuple. Avec tout mon amour, de tout mon cœur, c’est à lui que je le rends. Je sais que mon père, là où il est au Paradis, est en train de partager cette soirée avec moi. Paix à son âme, et que son âme soit joyeuse », at-il ajouté.» Saab Hosseini est né à Téhéran le 3 février 1974. Il a abandonné ses études de psychologie pour émigrer au Canada. Il a déjà tourné avec Asghari Faradhi dans son film « A propos d’elle" puis dans son film « Une séparation. » Film qui lui avait valu l’Ours d’argent de la meilleure interprétation avec l’ensemble des acteurs du film au Festival de Berlin en 2011.
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