Hafsia Herzi et Isabelle Huppert
Le synopsis est le suivant : Alma, seule dans sa grande maison en ville, et Mina, jeune mère dans une lointaine banlieue, ont organisé leur vie autour de l’absence de leurs deux maris détenus au même endroit... À l’occasion d’un parloir, les deux femmes se rencontrent et s’engagent dans une amitié aussi improbable que tumultueuse…
Catherine Merveilleux : D’où vient l’idée de ce film ?
Patricia Mazuy : Pierre Courrège est à l’origine de ce film. Il avait un jour vu des femmes faire la queue devant la maison d’accueil d’une prison et cela l’avait interpellé. Il a alors commencé l’écriture d’un film social sur la vie de ces femmes. François Bégaudeau l’a rejoint. Ils ont donc travaillé à quatre mains au scénario jusqu’en 2018. Ils m’ont confié leur bébé et nous avons travaillé ensemble de 2019 à 2021.J’y ai ajouté une touche de légèreté et des éléments de fiction.
C.M. : Le film est l’histoire d’une rencontre improbable et forte…
P.M. : Alma appartient à la Haute-bourgeoisie. Mina vit dans une banlieue. Elles se rencontrent dans un parloir de la prison où sont détenus leurs deux maris, l’un un petit délinquant dont le braquage a mal tourné, l’autre un brillant neuro-chirurgien. De cette rencontre improbable nait une amitié inattendue et tumultueuse. Il s’agit quasiment d’un coup de foudre amical en les deux femmes et Alma propose tout de suite à Mina de l’héberger dans sa belle et vaste demeure.
C.M. : La Prisonnière de Bordeaux. Pourquoi ce titre ? car, en fait, Alma et Mina sont libres, ce sont leurs maris qui sont en prison.
P.M. : En fait, Alma vit dans une prison dorée. Elle vit dans un vide sidéral. Elle n’a plus aucun projet, aucune passion. Elle a une belle maison, beaucoup d’argent mais sa vie n’a plus aucun sens. Elle a renoncé à sa carrière danseuse pour son mari qui la trompe. Elle est prisonnière des convenances, des codes de son milieu. Mina, quant à elle, est prisonnière de sa classe sociale, du regard que les autres portent sur elle de la charge mentale que ses obligations de mère et de femme font peser sur elle. Elle aime cependant son mari et ses enfants alors qu’Alma, elle, n’aime plus son mari.
C.M. : Le rapport de classe est aussi un thème très présent dans le film …surtout dans la scène où Alma reçoit ses amis. La scène est alors d’une grande violence psychologique.
P.M. : Effectivement, ce rapport de classe est évident entre Mina et Alma et pourtant il ne donne lieu à aucun conflit entre elles. Par contre le choc est violent lorsque Mina rencontre les amis d’Alma. Les invités d’ Alma véhiculent des clichés et lorsqu’ils voient une belle jeune femme d’origine maghrébienne ne peuvent pas s’imaginer qu’elle est une amie d’Alma. Ils pensent tout de suite qu’elle est une domestique. ls sont prisonniers de stéréotypes. C’est encore pire lorsqu’ils voient les enfants. Ils font alors preuve d’une grande condescendance et d’un certain paternalisme.
C.M. : Mina sert-elle de catalyseur à la libération d’Alma ?
P.M. : Tout à fait : L’arrivée de Mina est un catalyseur qui fait prendre conscience à Alma de sa vie misérable. Alors que matériellement elle a tout. Elle ne fait rien de sa vie. Ses seules activités sont d’aller chez le coiffeur ou de s’achèter des fleurs à elle-même … Le reste du temps, elle reste chez elle.
C.M. : Comment vous êtes vous documenté sur le milieu pénitentiaire, les prisons, les maisons d’accueil ? Avez-vous rencontré des femmes qui vivaient cette vie d’épouses de parloir ?
P.M. : J’ai rencontré des femmes de parloir. Certaines jouent même dans le film avec d’autres figurantes. es épouses d’hommes incarcérés viennent d’ailleurs de voir le film. J’ai aussi consulté des documents sur le sujet.
C.M. : Qu’est ce qui a justifié le choix d’Isabelle Huppert et d’Hafsia Herzi ?
P.M. : C’était pour moi comme une évidence. J’avais déjà tourné avec Isabelle dans Saint Saint-Cyr et j’attendais quelle soit libre pour tourner ce film avec elle et je rêvais de tourner avec Hafsia.
C.M. : Le film est un mélo mais c’est aussi une comédie… J’adore la scène où Mina feint de se trouver mal dans la maison d’accueil…
P.M. : C’est la scène charnière du film. C’est une des raisons pour lesquelles Alma craque pour Mina, s’intéresse à elle et finit par lui proposer de venir chez elle. Hafsia a un potentiel comique et dramatique. Elle a de multiples facettes à son talent. C’est indéniable. Le film a des passages comiques parce que je voulais mettre de la légèreté à cette histoire dont le fond est grave. Je voulais que mon film soit tragi-comique.
Mon avis : Un très beau film. Drôle et émouvant. Les deux actrices sont excellentes.Isabelle est belle et lumineuse et incarne magnifiquement cette grande bourgeoise un peu fantasque et déjantée mais au fond complètement désespérée qui s’émancipe et se libère de ses chaînes. Hafsia est très émouvante dans le rôle de Mina, une jeune femme courageuse qui n’est pas née avec une petite cuiller d’argent dans la bouche mais qui est prête à tout pour sauvegarder sa famille et ses enfants;
Casting : Isabelle Huppert, Hafia Herzi
Réalisation : Patricia Mazuy
Sortie : le 28 août
Catherine Merveilleux
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