Synopsis : Willy et Jojo sont amis d’enfance et ne se quittent jamais. Pour tuer l'ennui, ils s’entraînent à la Pampa, un terrain de motocross. Un soir, Willy découvre le secret de Jojo.
Catherine Merveilleux : C’est votre premier long métrage. Il a été sélectionné dans de nombreux festivals.
Antoine Chevrollier : Je reviens d’Angers où il a été trois fois primé. J’ai aussi été sélectionné à la Semaine de la Critique, lors du Festival de Cannes, au festival de Carcassone, au Festival de films francophones Cinemania à Montréal. C’est une belle reconnaissance. Je suis très touché surtout lorsqu’il s’agit d’un prix du public.
C.M. : C’est un film très personnel, intime, tourné dans votre village natal en Anjou. Qu’y a-t-il d’autobiographique ? Quelle est la part de la Fiction, de souvenirs ?
A.C. : Effectivement c’est un film très personnel. avec des réminiscences de mon enfance et de mon adolescence. Il a été tourné à Longué-Jumelles dans le Maine-et-Loire mais il n’est pas autobiographique. C’est une fiction. Il est inextricablement lié à ce village de mon enfance car le récit a été imaginé pour se passer dans ce cadre, dans ce décor, dans cette ambiance de village rural, insulaire. Les séquences alternent les silences et les moments d’intense dramaturgie : Le stress et l’effervescence du terrain de motocross, ses vrombissements, véritable arène où se mesurent les concurrents et la douceur angevine des paysages. La Pampa est un endroit qui existe vraiment et où il y a eu un championnat de Motocross pendant des années. Le dernier a eu lieu en 2006.
C.M. : Quel est votre parcours ?
A.C. : C’est un parcours atypique. Je n’ai pas suivi les cours de la Fémis, ni d’aucune autre école car pour une école de cinéma, il fallait débourser 15000 balles. Je n’en avais pas les moyens. Je suis arrivé à Paris pour faire du cinéma. Je devais travailler pour payer mon loyer… Je n’avais pas les clefs, pas les codes. J’ai réalisé un premier court-métrage qui était très mauvais sur l’histoire du viol d’une jeune fille. J’ai ensuite été assistant réalisateur. J’ai appris le métier de manière pragmatique. J’ai ensuite tourné des clips comme Bagdad puis j’ai réalisé des séries comme Le Bureau des légendes, Le Baron noir et Oussekine.
C.M. : Les sujets que vous abordez comme l’homophobie, la masculinité toxique ont déjà été abordés au cinéma mais vous les abordez d’une manière très personnelle,plus sensible.
A.C. : Les problématiques comme l’homophobie, la masculinité toxique sont abordées à travers le regard de Willy. L’homosexualité est taboue dans son petit village. Le milieu du motocross est un milieu très masculin. Le père de Jojo est un archétype du patriarcat. Je voulais montrer que le harcèlement lié à l’orientation sexuelle tue.
C.M. : A quelle époque se passe l’histoire ?
A.C. : De nos jours. Les personnage ont des potables. Le thème du Revenge porn est caractéristique de notre société d’aujourd’hui.
C.M. : Je pensais que la société avait évolué. Que cette violence appartenait au passé. Comment s’est passé le casting ? Le choix de Sayyid El Alami et d’Amaury Foucher s’est il imposé comme une évidence ?
A.C. : J’avais déjà travaillé avec Sayyid El Alami dans la série Oussekine. Amaury Foucher a été découvert par la directrice de casting, lors d’un casting sauvage à la suite d’une petite annonce sur les réseaux sociaux.
C.M. : Le choix d’Artus est-il une évidence ?
A.C. : J’ai écrit le rôle pour lui. Je savais qu’il pouvait le faire. Il avait la profondeur nécessaire. J’avais déjà travaillé avec lui dans la série Le Bureau des Légendes.
C.M. : C’est un rôle à contre-emploi, difficile. A-t-il accepté tout de suite ?
A.C. : Oui. Ce n’était pas un rôle facile mais je savais qu’il avait la profondeur nécessaire. Le personnage qu’il interprête, Teddy aime vraiment Jojo mais il est lâche. Il n’assume pas son orientation sexuelle mais il l’aime vraiment.
C.M. : C’est aussi un film sur le déterminisme social …
A.C. : Tout à fait, Willy appartient à une classe sociale moyenne. Il est entouré par des prolétaires. Je voulais parler de cette insularité sociale. Je ne suis pas d’accord avec la phrase : «Quand on veut, on peut !» Il est difficile de se libérer du déterminisme social, de sa condition, il est d’accéder à la culture car on vit dans un milieu acculturé avec des préjugés. Willy échappe à sa condition. Il va avec Marina à Angers voir la tapisserie de l’Apocalypse. Il est difficile de s’extraire de sa condition, de son milieu social.
C.M. : La fin est ouverte. Avez-vous envisagé d’autres fins?
A.C. : Oui, mais celle-ci s’est imposée. Tout au long du film, je me suis laissé emporté par mon film. Je me suis laissé guider par lui. Les dernières scènes ne sont pas prévisibles. A la fin du film Willy ne fait pas ce que l’on attend de lui.
Acteurs : Sayyid El Alami, Amaury Foucher et Artus
Scénaristes : Antoine Chevrolier, Faïza Guène et Bérénice Bocquillon
Réalisateur : Antoine Chevrillier
Sortie en salle : le 5 février au cinéma
Semaine de la critique Cannes, Prix du film Politique du Public à Carcassone
Catherine Merveilleux
Artus, Antoine Chevrillier, Agat Films, Tandem, Sayyid El Alami, Amaury Foucher, Catherine Merveilleux, lejouretlanuit.net, Le Jour et La Nuit, Marseille, Festival de Cannes, Festival de Carcassonne
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