A la suite de sa rencontre avec Pierre, lors de vacances en Corse, la jeune fille tout juste sortie des gangues de l’enfance, tombe éperdument amoureuse de lui. Cette rencontre est pour elle
déterminante car elle provoquera la naissance de deux passions inextricablement liées : la passion fulgurante et torride qu’elle éprouvera pour Pierre, sociétaire de la Comédie Française et celle
qu’elle ressentira pour le théâtre.
Pauvre petite fille riche, délaissée par des parents plus occupés à régler leurs problèmes de cœur et leurs ambitions, clouée au lit à la suite d’une erreur de diagnostic, la narratrice a profité de
sa longue maladie et de sa longue immobilité pour lire et découvrir les textes du répertoire classique. Sa rencontre avec le séduisant Pierre, de trente ans son aîné est une révélation pour elle et
la petite fille de 12 ans mettra tout en œuvre pour le séduire. A la fois Messaline et Lolita, elle en fera sa proie. Dans cette histoire, il n’est nullement question de pédophilie. Il ne s’agit
aucunement d’un homme mûr qui abuserait immoralement d’une créature naïve et innocente, mais bel et bien de l’histoire d’une entreprise de séduction de haut vol. de la part d’une pré-adolescente.
Contrairement à Humbert Humbert, le héros qui s’exprime à la première personne du roman Lolita de Nabokov, Pierre n’éprouve pas une attirance particulière et obsessionnelle pour les nymphettes. Au
contraire c’est un homme séduisant, qui peut avoir toutes les femmes qu’il veut. Ce roman qui pourrait s’intituler «Détournement de majeur» est l’histoire d’une double initiation, à l’amour charnel
et à la passion du théâtre. C’est l’adulte qui est manipulé, séduit et no l’inverse. C’est aussi une histoire de transmission, de passage. Pierre a tenu la main d’Alice pour lui faire traverser le
miroir, l’espace mystérieux séparant l’enfance de l’âge adulte. Il lui a aussi permis de découvrir l’amour physique et le théâtre.
Parvenue à l’âge adulte, c’est la jeune fille, «la petite fille» qui prend l’initiative de clore cette histoire d’amour, afin qu’elle reste intacte pour toujours. Ecrit à la première personne, ce
roman n’est pas une autofiction, il en est même aux antipodes. C’est au contraire un roman vrai dans lequel, la narratrice fait son introspection, grâce à laquelle, dans une catharsis, finit par
faire jaillir la vérité. Nathalie Rheims avoue d’ailleurs, dès le premier chapitre,qu’ elle a du mal à distinguer la réalité sous les décombres des simulacres de son existence et qu’à force de
bousculer les fictions et les romans vrais, tout a fini par se bousculer dans son esprit. ans ce livre, elle tente de démêler le vrai du faux, dans le dédale de ses souvenirs enfouis. Cette
petite fille lui ressemble comme deux gouttes d’eau. Comme elle, elle a eu un père académicien, une sœur photographe et une mère qui l’a abandonnée à l’âge de 15 ans. Comme elle est entrée au
conservatoire de la rue Blanche à l’âge de 17 ans. Bref, c’est son alter ego.
Un beau roman avec une héroïne attachante. Un ton juste. Une écriture ciselée et limpide. Le lecteur est séduit dès les premières pages par la personnalité attachante de l’héroïne à la fois si
fragile et si forte, à la fois si pleine de candeur et si mûre.
Place Colette. Un roman de Nathalie Rheims.
Editions Léo Scheer.
Parution le 19 août
Catherine Merveilleux
|