Amaury Barthet © Pascal Ito

Pour son premier roman, Amaury Barthet aborde un sujet sociétal d’une actualité brûlante  qui suscite un certain nombre de problématiques cruciales et intéressantes. A savoir:  sommes nous tous égaux face au système scolaire et face à la réussite sociale ? Notre réussite ne dépend-elle pas du déterminisme de nos origines sociales et du milieu familial dont nous sommes issus ? Et pour réparer l’injustice si injustice, il y a, a-t-on le droit de transgresser les lois et d’avoir recours à l’imposture ?

Guillaume, le principal protagoniste de ce roman est prof d’histoire-géo en Seine-Saint-Denis. Il mène une vie triste et sans relief.  A l’origine, pourtant, il a choisi  son métier par  idéal, par vocation. «Je m’étais  initialement  donné la mission de guider les élèves défavorisés vers un avenir meilleur, de briser  les mécanismes de reproduction sociale.» déclare t-il dans les premières pages du  roman. Il est cependant très vite désabusé et ses espoirs s’effondrent, dès les premiers semaines de sa prise de fonction lorsqu’il est confronté à la  réalité. Chaque jour lui apporte, en effet,  son lot d’insultes, d’humiliations, de violences. Une fois ses illusions perdues, il ne croit plus en l’avenir, d’autant plus qu’il vient de se faire larguer par sa compagne. Sa rencontre inopinée avec Nadia, une ravissante jeune femme, va brusquement changer  le cours de son existence étriquée et sans éclat. Il décide de prendre  avec elle une revanche spectaculaire sur tout ce qui les a frustrés jusqu’à présent. Il ourdit alors un plan machiavélique destiné à  faire sortir sa nouvelle compagne de sa classe sociale où elle végète, afin qu’elle puisse accéder aux hautes sphères du pouvoir, de la réussite et de l’aisance matérielle.

Intelligente et jolie, la jeune Nadia dont les parents sont originaires du Magreb a intrinsèquement en elle, toutes les compétences requises  pour réussir. Il ne lui manque qu’un diplôme pour en attester et lui ouvrir les portes d’un avenir meilleur car malgré des études brillantes et une licence, elle ne dispose pas d’un diplôme valorisant et prestigieux, à savoir un diplôme obtenu après des études suivie dans une Grande école comme HEC. Elle travaille malgré son intelligence et son immense culture comme vendeuse dans un magasin Zara, sans aucune perspective d’avenir. Elle s’est leurrée comme beaucoup de jeunes issus d’une classe modeste et n’appartenant pas à la bourgeoisie qui croient qu’après le bac et des études à la Fac, un avenir professionnel radieux les attendrait.

Or, il n’en est rien. Certains diplômes obtenus, lors d’un cursus universitaire traditionnel, n’offrent aucun débouché. Seul un diplôme décerné par une Grande école prestigieuse procure le précieux sésame qui permet d’accéder aux hautes sphères du pouvoir et à des professions gratifiantes. Conquête pour certains, droit inné pour d’autres, «selon que l’on soit puissant ou misérable», ce sésame est réservé à une caste, à une élite. Dans le roman d’Amaury Barthet, c’est Guillaume, jeune prof de banlieue désabusé, qui décide de remédier à la cruelle injustice de la fatalité de la fracture sociale grâce à un stratagème et à une imposture, en offrant à Nadia le précieux diplôme dont elle a besoin pour réussir et obtenir le poste pour lequel elle a  cependant toutes les compétences requises.  

La fin justifie-t-elle les moyens ? Telle est la question existentielle, éthique, qui sous-tend l’intrigue de ce roman passionnant menée de main de maître par cet auteur dont c’est le premier roman, mais qui n’a sûrement pas fini de faire parler de lui. Son roman est d’ailleurs sélectionné pour le Prix des Deux Magots et pour le Prix Stanislas.