Le Jour et La Nuit
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Richard Martin, le directeur du théâtre Toursky fait la grève de la faim

Je reviens d’un voyage au Kenya. Les Maasaï sont des éleveurs et des guerriers semi-nomades d’Afrique de l’Est qui ont une organisation sociale patriarcale et pratiquent la gérontocratie. Les Anciens prennent les décisions pour l’ensemble du groupe. Ils sont respectés et transmettent leurs connaissances aux plus jeunes. A Marseille, Richard Martin  vient d’entamer une grève de la faim car, selon lui, la municipalité veut l’évincer du théâtre Toursky, qu’il a créé il y a plus de 53 ans, à cause de son âge.

 

Alors que la France entière manifeste contre le projet de loi, qui veut reculer l’âge de la retraite, paradoxalement, Richard Martin, le directeur du théâtre Toursky, lui, fait la grève de la faim car, selon lui, on le juge trop vieux pour continuer à exercer ses fonctions de directeur de théâtre.

« Depuis quand, un tel argument a-t-il jamais été invoqué dans une autre ville ? A-t-il été invoqué à l’encontre de Peter Brook ou d’Ariane Mnouchkine ? » s’insurge Richard Martin choqué par ce prétexte discriminatoire. Depuis quand écarte t-on les êtres humains en fonction de leur âge, de leur sexe ou de leur origine ? Rappelons que Pablo Picasso peignait encore à 90 ans et n’avait rien perdu de son talent… Seules les aptitudes et les compétences comptent et ceux qui ont eu la chance de voir Richard Martin sur scène cet été au Festival d’Avignon ou avant-hier au Théâtre Toursky savent qu’il a toujours le feu sacré et qu’il ne manque ni d’énergie, ni de vitalité. Bref, il casse toujours la baraque !

« Depuis plus de 50 ans, je me bats pour le Théâtre Toursky que j’ai fondé dans ce quartier le plus pauvre d’Europe et que j’ai baptisé du nom d’un poète. Mon combat a toujours été de défendre l’idée d’un théâtre populaire, de mettre l’humain au centre de tous mes projets et de prouver que la culture n’est pas réservée à un « cercle de privilégiés ». Je me suis toujours battu pour une culture ouverte à tous et sur le monde. Loin des idées reçues, loin des sectarismes et de l’entre soi. »

Le Toursky, c’est 53 ans d’engagement, de refus, de bagarres et de défis, de projets fraternels, d’unions, de créations, de rassemblements d’artistes des quatre coins du monde et de toutes les disciplines. C’est aussi le travail avec les jeunes, avec les associations. C’est aussi la lutte contre le réchauffement de la planète, la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, contre tous les intégrismes, contre l’homophobie… » poursuit Richard Martin qui estime que le retrait brutal d’une subvention de 80.000 euros a des conséquences dramatiques sur l’emploi, sur la programmation et la création, sur la sécurité, sur l’augmentation du prix des billets. « En refusant en 2023 de rétablir la subvention de 80.000 euros retirée en 2022 en plein exercice, Jean-Marc Coppola poursuit sa politique d'étranglement financier du Toursky et de nos actions culturelles. En prétextant de faux arguments comme l'annulation du festival russe, pourtant remplacé par d'autres spectacles, il tente aussi de nous faire passer pour de mauvais gestionnaires. Dans le contexte actuel, où l'inflation explose, il affirme clairement sa volonté d'éteindre une à une les lumières du Théâtre et veut me pousser vers la sortie » écrit dans une lettre ouverte aux Marseillais le directeur du théâtre Toursky.

« Ont-ils un de leurs proches à placer ? Ont-ils un projet immobilier à construire à la place du Toursky ? Ou s’agit-il de représailles politiques ? s’interroge Richard Martin, qui après 3 jours de grève de la faim réclame : « le rétablissement des 80 000 euros, une subvention pour l’espace Léo Ferré et une convention pérenne sur une durée de 3 ans pour ne plus vivre en permanence avec une épée de Damoclès au dessus de la tête. »

Jean-Marc Coppola, adjoint à la culture à la mairie de Marseille, dans un article paru dans la Marseillaise le 26 janvier 2023 conteste les propos de Richard Martin, déclare que la ville n’a aucune intention de fermer le Toursky et que les 80.000 euros qui lui ont été amputés sont destinés à soutenir 150 associations marseillaises. Répartir ces 80.000  euros entre 150 associations ne permettra aucun projet cohérent car que feront ces associations avec 500 euros annuels. Ce ne sera que du saupoudrage. Cette somme de 80.000 euros, par contre,  eu égard à l’augmentation du prix de l’énergie, en l’occurence du chauffage, de l’électricité et à l’inflation générale fait cruellement défaut au budget  du théâtre Toursky et l’a obligé à supprimer 4 emplois.

Dans cet article, Jean-Marc Coppola nie également avoir déclaré que Richard Martin était vieillissant. Tant mieux. Gageons alors que ce conflit sera très rapidement résolu entre personnes intelligentes et clairvoyantes car comment concevoir que le Théâtre Toursky dont Richard Martin est l’âme disparaisse par asphyxie financière ? Il est l’un des plus beaux fleurons de la Ville de Marseille et est connu au niveau international par des artistes du monde entier. Ce théâtre a redonné vie à un quartier sinistré, a créé de l’emploi, a permis à des populations déshéritées d’accéder à la culture. Il est un lieu où se retrouvent à Marseille des personnes de toutes conditions sociales par amour du Beau et de la Culture. Au lieu d’évincer Richard Martin et d’asphyxier financièrement son théâtre qui joue toujours à guichets fermés, il faudrait au contraire le soutenir moralement et financièrement et profiter pleinement de ses compétences et de son expérience. Il serait souhaitable qu’un projet de transmission soit mis en place afin de faire perdurer toute cette richesse culturelle qui irradie le monde depuis le théâtre Toursky et fait honneur à Marseille.

 

Catherine Merveilleux


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