Dans sa loge, une comédienne à la sensibilité exacerbée recherche désespérément la concentration et le calme au milieu du tourbillon tyrannique de son habilleuse volubile, envahissante qui s’est
arrogé la responsabilité de gérer sa carrière, ses amours et son espace. Un étrange personnage, Victor vient s’immiscer dans l’univers clos de ces deux femmes. Qui est-il ? Un admirateur ? Un fantôme
du passé ? La résurgence d’un événement traumatique ? Lancinante, la chanson d’un passé révolu vient faire écho aux flashs qui émergent du néant et de la résurgence des beaux textes qui remontent
spontanément à la mémoire de la comédienne.
La résilience est-elle possible ? Le passé peut-il être annihilé ? Aux confins du réel et de l’imaginaire, Mathilda échappera-t-elle aux affres dans lesquelles, trop fragile, elle a sombré corps et
âme ? Pourra-t-elle prendre son envol et s’arracher à l’univers carcéral et réducteur qui l’a engloutie ? Pourra-t-elle se délivrer de la chape de plomb et du destin implacable qui l’ont
réduite à néant et retrouver les ailes de la liberté et de la création ?
Astrid Veillon ne joue pas le rôle de Mathilda, elle incarne Mathilda, elle est Mathilda et donne toute sa profondeur à ce personnage tout en nuances et en ambivalences. Son jeu est subtil, suggestif
et d’une infinie finesse. Edmonde Franchi, solaire et tout en faconde interprète le personnage d’Aline avec beaucoup de gouaille et de talent. Elle réussit ce tour de force de laisser percer l’ombre
d’un doute, la menace d’une fêlure, derrière sa jovialité et son dynamisme. Quant à François Cottrelle, il est le catalyseur involontaire et énigmatique qui va cristalliser l’esprit satirique de
l’une et l’intérêt de l’autre et leur permettre d’écrire la suite de leur propre histoire.
La mise en scène de Richard Martin est magistrale, tout en subtilité, extrêmement bien léchée et très accomplie. Elle préserve le voile du mystère, tout en suggérant l’indicible faille qui a englouti
les personnages.
Une pièce tout en émotions qui suscite la réflexion et interpelle sur les méfaits de la montée des systèmes totalitaires, véritables séismes qui brisent les êtres et les destins. Du très bon
théâtre.
Catherine Merveilleux
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