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Le Charme discret des séries, un essai passionnant de Virginie Martin

Le Covid et les confinements successifs ont amplifié l’emprise chronophage des séries dans notre vie et sur notre inconscient. Cela a t-il des répercussions sur notre façon d’appréhender le monde ? Quel est l’impact des séries ? Virginie Martin s’est penchée sur ce phénomène et analyse avec pertinence ces questions dans son essai Le Charme discret des séries.

Professeur à Kedge Business School, Présidente du Conseil Scientifique de la Revue Parlementaire, politologue et sociologue, auteur de Ce monde qui nous échappe et de nombreux autres essais, Virginie Martin parle même d’addiction aux séries et dans son essai passionnant nous montre comment par le biais des séries la Culture dominante fait place à la Woke culture dans notre hiérarchie de valeurs et comment le Soft power favorise l’émergence d’une vision nouvelle du monde et de la société.

 

Catherine Merveilleux :  Dans votre essai vous décrivez  la mutation culturelle que nous sommes en train de vivre. En tant que que politologue et que sociologue cela vous a interpellée. Pourquoi ?

 

Virginie Martin : Netflix, leader du streaming vidéo a passé la barre des 200 000 abonnés. Le Covid a accéléré la transition de la télévision vers le streaming. L’univers diffusé par Netflix dispose d’une force de frappe incroyable. Ses messages ne sont ni neutres ni anodins. C’est un phénomène de société.

 

C.M. : Dans votre essai, vous parlez de Binge Watchers, d’addiction? Pouvez-vous nous en dire plus et quel est le processus cette addiction ?

 

V.M. : Au début, le spectateur est pris sous le charme de l’intrigue, il est séduit par les personnages, auxquels il s’identifie parfois ou pour lesquels il éprouve de l’empathie. Son organisme secrète de la Dopamine. Il éprouve un sentiment de plaisir qu’il cherche à reproduire en consommant de plus en plus de séries. Ce qui calme son anxiété, son stress. Il est pris par le suspens. C’est ce que les Anglo-saxons appelle le syndrome du Cliffhanger. Il veut alors voir de plus en plus d’épisodes, savoir la fin. C’est comme une addiction à la cocaÏne. Heureusement, l’addict aux séries n’a pas besoin de sevrage. Il n’éprouve pas physiquement de manque.

 

C.M. : Comment les scénaristes et les showrunners s’y prennent-ils pour nous rendre addicts ?

 

V.M. : Ils agissent par des stimuli sur nos émotions : la peur, la colère, la compassion, l’attendrissement etc … C’est plus efficace que s’ils essayaient de faire passer des messages de manière didactique.

 

C.M. : Quelle est la première série que vous ayez vue ? Pourquoi vous a-t-elle plue ?

 

V.M. : La première série que j’ai vue est Orange is the New Black. C’était en 2014. Je me suis intéressée au personnage de Piper et au monde qui l’entourait.

 

C.M. : Les séries font bouger les lignes, changent discrètement à notre insu, en nous charmant notre vision du monde. Comment ?

 

V.M. : Elles font émerger des personnages et des héros différents des héros blancs hétéros de Hollywood. Les scénaristes et les showrunners font émerger dans les séries des personnages issus d’une Diversité Friendly, d’une Woke Culture. Les personnages sont racisés. Ce sont des gays, des lesbiennes, etc …Les représentations dominantes sont remplacée par les groupes LGBTQIA+, mais pas seulement. On voit apparaître  dans les séries des personnages qui ne sont pas gâtés par la vie : les handicapés, les malades mentaux, ceux qui sont laissés sur le bas côté de la route.

 

C.M. : Vous parlez aussi de Male gaze et de Female gaze. En quoi est-ce une révolution ?

 

V.M. : On voit dans les séries des femmes plus âgées, moins érotisées, moins stéréotypées, des femmes de pouvoir. Leurs psychologies et leurs personnages sont vus  à travers le prisme d’un regard féminin et non plus à travers celui d’un regard masculin.


C.M. : Les séries exercent aussi un Soft power géopolitique par rapport à un Hard power géopolitique. Comment ?

 

V.M. : Les séries américaines relatent une certaine way of life des Etats-Unis , ce que l’on appelle les 2 M et les 2 H:  Macintosh, McDonald’s, Harward, Hollywood. Les Etats-Unis étendent  leur puissance grâce aux séries de leurs plateformes de streaming privées.  Il s’agit de Nation Branding. C’est aussi le cas pour la Corée du sud et d’autres pays.

 

C.M. : Dans le monde des séries, vous semblez dire que les séries politiques à part la Casa de Papel  ne font pas bouger les lignes contrairement aux dystopies. Pourquoi ?


V.M. : Les dystopies et les séries de Science fiction montrent comment notre société peut basculer dans un futur plus ou moins proche. Ce sont des lanceuses d’alerte car dans ces séries l’Etat est totalitaire ( confinement, enfermement, autorisations pour sortir, contrôle permanent etc …) Les séries politiques, elles ne parlent que de luttes pour le pouvoir, de trahisons. Elles manquent de souffle. Les personnages sont arrivistes, ambitieux, ne pensent qu’à leur cursus personnel. Ils ne sont pas préoccupés par l’intérêt général et ne sont habités par aucun idéal. A part, la Casa de Papel et la série française Les sauvages avec Roschdy Zem qui sont intéressantes à bien des égards.

 

C.M. : A propos de dystopie, vous parlez d’un scénario qui fait froid dans le dos, celui  de  My secret Terrius tourné  en Corée du sud entre 2016-2017 et vu en Mars 2020 en Europe. C’était visionnaire, prémonitoire ? Pouvez-vous nous en dire plus ? Comment est ce possible ?

 

V.M. : Les scénaristes des dystopies réfléchissent  aux problèmes de société et extrapolent ce qui pourrait se passer si … Ce sont des lanceurs d’alertes. Les showrunnners  de My secret Terrius décrivent exactement ce qui s’est produit pendant la pandémie du Covid19 et comment un Coronavirus a artificiellement été conçu pour décimer la planète.  C’est vrai que c’est troublant.

 

C.M. : En conclusion, quel est le rôle de ces séries ?

 

V.M. : Conclusion : Elles ont tout d’abord un rôle d’Entertainment. Beaucoup de personnes après avoir lu mon livre me confient que les séries les ont aidées à passer un cap difficile de leur vie: la mort d’un être cher, la maladie etc …J’ai reçu de nombreux témoignages à ce propos. Par ailleurs, ces fictions façonnent les opinions, les représentations, voir favorisent les passages à l’acte. Il s’agit d’un Soft power qui permet de faire bouger les lignes, de prendre de l’ascendant, de convaincre, de manipuler pour faire avancer les idées. On ne peut pas sous-estimer  la force de frappe d’entreprises comme Netflix. C’est une véritable bataille culturelle qui se joue. Le chargé de l’inclusion chez Netflix, Darnell Moore est un activiste noir, gay, queer, féministe, anticolonialiste supervise l’introduction de ces nouvelles idées.

 

C.M. : Vous donnez des cours à Kedge Business School  ? Quel en est l’intitulé ?

 

V.M. : L’intitulé de mon cours de cette année  est «Soft power et le monde des séries». J’ai donné mon premier cours de l’année, la semaine dernière et pour le prochain cours mes étudiants ont pour devoir de voir un certain nombre de séries.  A savoir : L’Effondrement, Sex Education, The Wire, Out of the box  et … Eichman à Jérusalem-Banalité du mal d’Anna Arendt qui relate le procès d’Adolf Eichman.

 

Catherine Merveilleux


Le Charme discret des séries
Un essai de Virginie Martin
Editions Humensciences

Catherine Merveilleux


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