Dès les prémisses de l’exposition, l’immersion irrémissible dans le réel est brutale, radicale. Elle plonge le visiteur dans l’univers plombant, lourd de menaces de Michel Houellebecq. Du
sous-bois touffu se dégage l’inquiétude sourde, tenace qui est chevillée au cœur et au corps de l’écrivain. Une lumière diffuse, subtile et imperceptible laisse néanmoins présager un improbable et
relatif espoir. Michel est, en effet, selon moi, un humaniste déçu par le genre humain et c’est pour cela que ses livres trouvent un tel écho en nous. Sa clairvoyance et son intelligence l’empêchent
de se laisser bercer d’illusions. Nausée sociale, pessimisme métaphysique, rejet de la performance et du mercantilisme hantent son univers. Dans l’élaboration de son exposition, il avoue avoir fait
preuve d’«Un goût évident pour le n’importe quoi mégalomane», l’impression que je peux tout mettre, juxtaposer tous les types de représentation et de discours.» Vers le milieu de l’exposition, les
photos sont explicites, quant aux questions existentielles que se pose l’auteur de «La possibilité d’une île», avec la composition faisant référence aux composants chimiques qui sont l’essence de
l’homme et celle illustrant le fulgurant miracle de la création de la vie. On trouve aussi dans cette partie de l’exposition des références explicites à la mort avec une tête de mort au
milieu d’un empilement de boîtes de coca cola avec l’épitaphe où l’on peut lire la date de naissance et la date de mort de l’écrivain. L’auteur décrypte ensuite votre société de consommation. Dans
nombre de ses romans, il évoque les Monoprix, l’univers des supermarchés. Les salles sur la pub et le tourisme incitent à une véritable réflexion sur notre société consumériste, sur ses invitations
aux voyages, non plus invitations à l’aventure, mais programmées, calibrées, standardisées. Dans une dernière salle, de sublimes photos de nus sont les réminiscences des très belles femmes qui ont
partagé sa vie ou traversé ses romans. «Sur la fin, ça devient évanescent, une spirale de disparition individuelle, une walking ghost phase. Du coup, un romantisme crépusculaire intrusif se dégage,
rééclaire l’ensemble, et on repart pour une deuxième visite. Ce serait le succès ultime, je ne peux l’espérer très souvent.» espère néanmoins Michel Houellebecq, le plus visionnaire de nos écrivains
français.
Une exposition à forte décharges émotionnelles que je vous conseille vivement.
Exposition de Michel Houellebecq « Rester vivant »
Palais de Tokyo du 23 juin au 11 septembre 2016
Catherine Merveilleux
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