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Les Enfants perdus de la Roseraie, un roman d’Eliane Keramidas

Eliane Keramidas, avocate spécialiste en droit pénal à Marseille durant quarante ans, a déjà écrit plusieurs ouvrages, tirés aussi bien de son expérience professionnelle que de son histoire familiale. Son dernier roman Les Enfants perdus de la Roseraie nous plonge dans l’univers impitoyable et glacial des familles dysfonctionnelles dont les enfants en carence d’amour et de structures sont placés dans des foyers. Elle nous fait partager la souffrance indicible et indéfectible, qui est la leur et les conséquences tragiques qui en résultent. Ce roman est l’histoire d’un déterminisme inéluctable et d’une terrible fatalité.

 

 

Le traumatisme de ces enfants est profond et à chaque nouvel abandon, ils revivent l’ abandon originel. Leur blessure se ravive. C’est le cas de Claire, qui noue en prison une relation passionnelle destructrice et mortifère avec Dany une prostituée homosexuelle qui l’a trahit et l’abandonne et lui fait ainsi revivre son premier abandon. Ce qui aura pour elle une issue fatale et tragique. L’histoire est la suivante : Claire est une jeune fille, qui a grandi dans différents foyers et orphelinats. On lui a toujours raconté que sa mère l’avait abandonnée à la naissance. Or, ce discours, qui lui a été pernicieusement distillé toute son enfance et son adolescence par son père et sa grand-mère paternelle est entièrement faux.

Atteintes de troubles du comportements, caractérielle, colérique, capable d’automutilation, ingérable mais intelligente et d’une sensibilité à fleur de peau, elle est en quête de cette mère inconnue tour à tour sublimée ou haïe. À l’âge de 17 ans, elle décide de s’enfuir la Roseraie, le foyer où elle est placée et de retrouver sa mère pour en finir avec la souffrance intolérable qui est la sienne et enfin connaître la vérité. D’errance en errance, elle rencontre Thomas de qui elle tombe enceinte et qui l’abandonne puis Bruno qui en fait son icône et qui l’idolâtre. Alors qu’elle s’apprête à fêter ses 18 ans, elle finit enfin par retrouver sa mère au milieu de malfrats à Marseille dans un bar mal famé sur le Vieux-Port. La rencontre idyllique dont elle rêvait se termine en tragédie. L’ange dont elle rêvait est, en fait, devenue une femme repoussante, détruite par les abus quotidiens, qui lui déclare ne jamais l’avoir désirée, qu’elle n’est qu’un accident car elle n’est que le produit d’un viol. Elle se sent alors rejetée, abandonnée une seconde fois. Aveuglée par la colère et la haine, elle tue sa mère puis avec l’aide de deux amis, brûle son cadavre pour exorciser le mauvais sort car son père et sa grand-mère lui ont appris au fil du temps à considérer sa mère comme une sorcière et que selon une superstition gitane, elle doit brûler son cadavre afin de pouvoir mettre au monde l’enfant qu’elle attend en paix. Son crime n’est en fait que le passage à l’acte du désir de sa famille disloquée et pathologique dont les membres sont en grave carence intellectuelle et affective.

Ce n’est qu’en prison, à la lecture de son dossier, qu’elle apprend, qu’en fait, elle est bien née à la suite du viol incestueux de sa mère par son cousin germain, Pierre Mounir, que sa mère ne l’a jamais abandonnée et qu’elle lui a été arrachée à son corps défendant contre son gré. Elle éprouve alors une intense culpabilité exacerbée par le sentiment de culpabilité qu’elle ressent à ne pas pouvoir élever son fils Tom. Sa souffrance devient alors intolérable.

Ce livre nous relate comment une malédiction transgénérationelle attisée par des discours mensongers et des haines intra-familiales, conduit une mère de 15 ans, sa fille et son petit fils à vivre abandonnés à la Roseraie, un foyer de la DDASS.

Le livre d’Eliane Keramidas est aussi une violente diatribe contre le système judiciaire, l’univers carcéral et le manque d’empathie de la société. Le livre aborde les thèmes de l’abandon, du mensonge, de l’enfermement, de l’homosexualité féminine, du désespoir et du suicide. L’avocate évoque le quotidien en orphelinat, la vie en prison, la détresse quotidienne de ces enfants perdus et aussi le sentiment d’impuissance et de culpabilité de l’avocat lorsqu’il s’avère que malgré tous ses efforts la fatalité s’acharne sur les clients qu’il défend avec passion, humanisme et empathie. Ce roman pose aussi de manière cruciale le problème de l’application de la loi sur les personnes fragiles psychologiquement mais juridiquement responsables de leurs actes. Dura lex sed lex dit l’adage. Bien sûr, la société ne peut tolérer que les citoyens se tuent entre eux. A fortiori transgresse le tabou ultime, le matricide, mais…

 

Un livre bouleversant qui interpelle et pose bien des questions et qui montre comment le déterminisme et l’atavisme sont parfois une fatalité dans certaines familles disloquées.

 

 

 

 
 Catherine Merveilleux

 

 

Les enfants perdus de la Roseraie

Roman d'Eliane Keramidas

Editions Vérone

 

 

 

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