Le Jour et La Nuit
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Sarah Bernhardt, la divine interprétée par Sandrine Kiberlain

 

Sarah Bernhardt, la divine. Un film magnifique interprété par Sandrine Kiberlain

Le film Sarah Bernhardt, la divine vient d’être projeté en avant-première, lors de la cérémonie d’ouverture du Festival du Film de Société de Royan. A l’issue de la cérémonie, j’ai eu le plaisir d’interviewer son réalisateur, Guillaume Nicloux.

Synopsis : Paris, 1896. Sarah Bernhardt est au sommet de sa gloire. Icône de son époque et première star mondiale, la comédienne est aussi une amoureuse, libre et moderne, qui défie les conventions.

 

Le réalisateur Guillaume Nicloux et le producteur François Kraus

 

Catherine Merveilleux : Sarah Bernhardt, icône de son époque au charisme indéniable, immense tragédienne est aussi la première star mondiale. Qu’est ce qui vous rapproche le plus de cette femme ? Qu’est ce qui vous fascine le plus chez elle ?

 

Guillaume Nicloux : Sarah Bernhardt était «Un monstre sacré» comme le déclara Jean Cocteau. C’était une femme libre de corps et d’esprit. Ce qui me fascine le plus chez elle, c’est son côté ni Dieu, ni Maître, son côté rebelle. C’est une femme libre qui défie les conventions. Dans les années 70, j’étais moi même un jeune punk révolté. J’ai toujours eu un fond d’anarchisme en moi. Sarah Bernhardt n’accepte pas les diktats. Elle bafoue les conventions. Elle s’affranchit avec panache de l’emprise du patriarcat et est opposée à l’autorité d’où qu’elle vienne.

 

C.M. : C’est une femme moderne et libérée qui assume des amours tumultueuses et multiples, un enfant sans mari, la direction d’un théâtre. C’est cette liberté qui vous a séduit ?

 

G.N. : Tout à fait. Elle assume aussi sa sa bi-sexualité avec Louise Abbéma incarnée par Amira Casar. Ce qui était très subversif à l’époque. C’est son aspiration à la liberté sous toutes ses formes qui me rapproche le plus d’elle. Outre sa liberté sexuelle, elle dirige un théâtre, s’occupe elle-même des costumes, des décors. Elle gère elle-même son argent et ne dépend de personne. C’est une femme autonome.

 

 

C.M. : Comment Sarah Bernhardt est-elle entrée dans votre vie ? Comment avez vous eu l’idée de réaliser un film sur cette femme fascinante car paradoxalement force est de constater que personne malgré sa notoriété exceptionnelle n’avait eu cette idée ?

 

G.N. : C’est grâce à Nathalie Leuthreau, qui a écrit le scénario, que je me suis passionné pour Sarah Bernhardt. J’avoue que je la connaissais mal, Nathalie a lu tout ce qui la concerne et a mené de multiples investigations sur sa vie, sa carrière, ses combats. J’ai tout de suite été séduit par son scénario.

 

C.M. : Le film est construit sur deux axes principaux: la folie et le tourbillon de son jubilé en 1896 et l’amputation de sa jambe en 1915. Son passé est succinctement évoqué lorsqu’elle se confie à Lucien Guitry sur sa mère, sur le fait qu’elle était une courtisane et qu’elle l’ait abandonnée et délaissée pendant son enfance. Elle lui explique ensuite qu’adolescente, elle a été violée par un client de sa mère… mais toujours très succinctement. Ce n’est pas un biopic mais, en fait, tout est dit…

 

G.N. : Le choix était de se centrer sur ces deux axes principaux et non de réaliser un biopic. Ces deux événements illustrent d’ailleurs toutes les facettes de sa personnalité. C’est une guerrière, une femme forte, courageuse. Effectivement, le passage où elle évoque sa jeunesse, le fait que sa mère était une courtisane et l’ait délaissée pour finir par la livrer à un client révèle son passé douloureux, les fêlures qui sont les siennes et pourquoi sous son armure de femme forte, elle a peut-être la sensibilité à fleur de peau que l’on perçoit. Après nous être imprégnés de tout ce qu’on a lu, de tout ce qu’on sait d’elle, on s’est laissé la liberté de fantasmer sur certains pans inconnus de sa vie.

 

C.M. : C’est aussi une femme de conviction qui incite Emile Zola à écrire J’accuse pour défendre Alfred Dreyfus accusé par antisémitisme d’être un espion au service de l’Empire allemand et condamné à tort. Est-ce avéré ?

 

G.N. : Tout à fait. C’est elle qui a suggéré à Emile Zola d’écrire J’accuse et elle s’est rangée à ses côtés lorsqu’il l’a fait paraître. Sa propre mère était juive et elle a, elle-même, violemment été agressée en tant que juive, à plusieurs reprises. C’était une femme engagée : Durant la première guerre mondiale, l’actrice, amputée de la jambe droite en 1915, a rejoint le « Théâtre aux Armées » avec d’autres vedettes théâtrales de l’époque qui se produisaient sur le front pour soutenir le moral des soldats, alors dénommés « poilus ».

 

Sarah Bernardht la Divine : Sandrine Kiberlain et Laurent Lafitte

 

C.M. : Victor Hugo qui l’a surnomma La Voix d’or lui a-t-il réellement offert une larme de diamant ?

 

G.N. : Oui, tout à fait. Dans ses mémoires intitulées Ma double vie, Sarah Bernardht relate qu’à l’issue de la représentation du 21 novembre 1877 Victor Hugo lui envoya une lettre où il écrivait : «Madame, Vous avez été grande et charmante ; vous m'avez ému, moi le vieux combattant et à un certain moment, pendant que le public attendri et enchanté par vous applaudissait, j'ai pleuré. Cette larme que vous avez fait couler est à vous et je me mets à vos pieds.» Il y était joint un petit carton contenant un bracelet chaînon, auquel pendait une goutte en diamants. Ce bracelet, je l'ai perdu chez le plus riche des nababs : Alfred Sassoon. Il a voulu le remplacer, mais je l'ai refusé. Il ne pouvait me rendre la larme de Victor Hugo.

 

C.M. : Le choix de Sandrine Kiberlain a-t-il été une évidence dès le début ? Comment a-elle réagi lorsque vous lui avez proposé le scénario ?

 

G.N. : La première lecture d’une version du scénario pour Sandrine date d’il y a cinq ans. On le lui a envoyé et le jour même elle nous a appelés à 23h en nous disant qu’elle était emballée par le projet qui avait touché une corde sensible en elle.

 

C.M. : Sandrine Kiberlain incarne Sarah Bernhardt sans lui ressembler vraiment…

 

G.N. : En fait, nous ne savons pas à quoi ressemblait réellement Sarah Bernhardt car tous les portraits que nous avons d’elle sont paradoxalement extrêmement différents les uns des autres.

 

C.M. : Quels conseils avez-vous donné à Sandrine Kiberlain quant à son jeu d’actrice ? Avez-vous été directif ? La question de l’imitation s’est-elle posée?

 

G.N. : Sandrine Kiberlain n’imite pas la voix de Sarah Bernhardt, elle s’est approprié le personnage autrement… Elle incarne Sarah Bernhardt. Ce qui m’intéressait c’était de comprendre pourquoi Sarah Bernhardt fascinait autant, pourquoi elle était si bouleversante, pourquoi les spectateurs s’évanouissaient dans la salle. Je n’ai pas été particulièrement directif. Nous avons trouvé un terrain d’entente.

 

C.M. : Le film partage les images d’archives de ses obsèques dignes d’un grand chef d’état. Cinq chars étaient couverts de camélias blancs et des milliers de personnes en larmes s’y pressaient. Comment expliquez vous une telle passion, un tel engouement et une telle notoriété alors qu’il n’y avait pas les supports de grande diffusion d’aujourd’hui ?

 

G.N. : Sarah Bernhardt fit de nombreuses tournées à travers le monde. Elle était fascinante et c’était une grande tragédienne. Elle ne répondait pas à des canons de beauté classiques. Jean Cocteau déclara d’ailleurs à son propos «qu’elle était pire que jolie. » Elle eut d’ailleurs une foule d’amants : Léon Gambetta, Sigmund Freud, Edmond Rostand, Lucien Guitry qui lui donnèrent une réputation de séductrice qui faisait fantasmer les gens. Immense tragédienne, Avec sa voix envoûtante, elle interpréta le plus grands rôles du répertoire: La Dame aux camélias, La Tosca , Phèdre, Théodora ou Cléopâtre. Elle interpréta même des rôles de travestis car comme elle l’explique dans son ouvrage L’Art du théâtre : la voix, le geste, la prononciation, les rôles masculins lui permettaient d’interpréter des personnages plus intéressants que ceux traditionnellement dévolus aux actrices.

 

Sarah Bernardht : la première star mondiale

 

Mon avis : Un film romanesque et fascinant sur une femme libre, engagée, courageuse et romanesque que j’ai adoré. Le casting est exceptionnel et le film est sublime au niveau esthétique. Les costumes et les décors montrent l’univers exotique, orientaliste, fantastique en parfaite symbiose avec la personnalité fantasque de Sarah Bernhardt qui vivait avec des animaux exotiques au milieu d’œuvres de Monet , de Munch etc … A voir absolument !

 

Sortie le 18 décembre

 

Réalisation : Guillaume Nicloux

Scénario : Nathalie Leuthreau

Adaptation et dialogue : Nathalie Leuthreau et Guillaume Nicloux.

Producteurs : François Kraus, Denis Pineau-Valencienne

Casting : Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, Amira Casar,Pauline Etienne, Laurent Stocker, Sébastien Poiuderous

 

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