Le Jour et La Nuit
Le Jour et La Nuit

Vincent Gaymard, Philippe Spanghero, Caroline Bindel et Laurent Tapie

 

Au nom du clan : Comment porter un nom célèbre et trouver sa propre voie

C’est  dans les salons feutrés du Sofitel Marseille-Vieux-Port que Laurent Tapie et Philippe Spanghero ont échangé autour du livre de témoignages "Au nom du clan", écrit par ce dernier. Une soirée intimiste et chaleureuse animée par la journaliste Caroline Bindel, en présence du directeur de l’hôtel, Vincent Gaymard, où il fut question de transmission, de loyauté familiale et de ce que signifie grandir en tant que « fils de » avant de se réaliser en tant qu’être humain autonome et responsable.

 

D’un article dans L’Équipe à un livre sur la filiation

 

La genèse du livre tient presque du hasard – ou de ces « synchronicités » auxquelles Philippe dit croire. Sollicité par une journaliste de L’Équipe sur le sujet des fils de champions dans le rugby, il s'est confié sur la filiation, la pression de porter un nom, la manière dont nos choix restent longtemps conditionnés par nos parents.

Dans cet article, il  déclarait: « C’est un sujet qui me passionne, un jour j’ écrirai un livre sur le sujet. » Le matin même de la parution de l’article, deux éditeurs le contactaient et lui proposaient de signer tout de suite un contrat sur ce thème-là.

« Honnêtement, je n’en étais pas à ce stade de réflexion, raconte-t-il. J’ai accepté en me disant que cela nourrirait aussi ma propre thérapie. » De fil en aiguille, il a alors réuni autour de lui des personnalités pour qui le nom était à la fois un tremplin, un fardeau ou une blessure.

 

Laurent Tapie

 

Spanghero, Tapie : Force du clan, fierté, blessures et injustice

 

Quand Caroline Bindel a demandé à Laurent Tapie comment on vit avec un nom comme le sien, il  s’est remémoré  son enfance : « La notoriété de mon père a commencé au début des années 80, j’avais 8-9 ans. Pour moi, il a presque toujours été quelqu’un de connu. Le recul, ce sont les profs, puis les camarades, qui vous le donnent. »

La différence, a-t-il souligné, c’est la solidité du cadre familial : un couple uni, pas de divorce, un père présent qui rentre chez lui tous les soirs malgré une vie d’affaires effrénée. « Quand la famille est équilibrée, on grandit mieux dans ses baskets que le nom soit connu ou pas. »

La véritable épreuve, pour lui comme pour Philippe, est venue non pas du nom lui-même, mais des crises médiatico-judiciaires qui se sont abattues sur leurs familles respectives.

Pour Philippe c’est sur le scandale de la viande de cheval, lorsque une entreprise qui porte encore le nom Spanghero s’est retrouvée au cœur d’une affaire de fraude… cinq ans après avoir été vendue à une coopérative agricole. « Pendant quelques temps, la France entière a pensé qu’on était une famille d’escrocs. On a dû déscolariser les enfants de mon frère. Tous nos autres business portaient le nom Spanghero, on s’est retrouvés en réel danger. »

De son côté, Laurent a évoqué les « deux périodes infernales » qui ont rythmé la vie de Bernard Tapie, entre procédures, condamnations, arbitrages, puis une nouvelle offensive judiciaire à l’arrivée de François Hollande : « Il a eu vingt-huit ans de combat judiciaire, dont trois ans seulement  de favorables. » Révolté par ce qu’il considère comme un traitement médiatique déformé, il a créé un site pour raconter, documents à l’appui, l’histoire complexe de la vente d’Adidas. Un site qui sera hacké à chaque mise en ligne.

 

Philippe Spanghero

 

Se réapproprier son histoire : de Netflix à l’esplanade Bernard-Tapie

 

Caroline Bindel  a ensuite demandé  à Laurent Tapie ce qu’il pensait de la série Tapie diffusée sur Netflix et créée  par Tristan  Ségéla. Laurent a été  ferme et catégorique: « J’ai détesté car il s’agit d’une fiction qui se présente comme proche de la réalité alors qu’à partir du troisième épisode, ce sont des inventions complètes ».

Mais plus encore que la trahison des faits, il dénonce une inadéquation entre le personnage interprété par Laurent Laffitte et son père: « Le Tapie de la série n’est ni aussi brillant ni aussi dur que le vrai. C’est un autre homme. » Lui dit avoir déjà écrit un film en deux parties, cinq heures de récit, pour raconter, un jour, sa  propre version, « 100 % vraie », « d’une vie tellement romanesque qu’il n’y a pas besoin de fiction car il suffit de la raconter ».

Il a aussi en mémoire de son père réalisé un projet bien réel :  ériger la statue de Bernard Tapie devant le stade Vélodrome. « Deux ans après sa mort, rien n’avait été fait. J’ai dit au maire : si je trouve les fonds, vous promettez que l’esplanade portera son nom ? Il a dit oui. On a levé l’argent, et il a tenu parole. »

 

De « fils de » à individu : ce qu’on garde, ce qu’on transforme

 

Au fil de la discussion, la problématique centrale et essentielle s’est affinée : A quel moment cesse-t-on d’agir « pour » ses parents et commence-t-on à agir pour soi ?

Philippe confie avoir joué au rugby de 5 à 25 ans, jusqu’au professionnalisme, sans savoir encore aujourd’hui s’il aimait vraiment ce sport ou s’il le pratiquait pour « être au niveau » de sa famille. « Quand j’ai arrêté, je n’ai plus jamais eu envie de rejouer, même en corpo. Ce qui laisse songeur.»

Chez Laurent, le déclic a eu lieu à cause d’un stage introuvable. Il se sait alors « blacklisté » du fait de son nom, malgré  le fait qu’il fasse partie d’une excellente école de commerce. Il crée alors sa propre société pour… pouvoir y faire son stage. La boîte fonctionne, il en crée d’autres, et devient alors entrepreneur presque « par hasard ».

 

Transmettre à son tour : valeurs, flamme et blessures invisibles

 

Les deux hommes sont désormais pères et la question de la transmission les préoccupe à leur tour.

 

Chez les Tapie, la flamme entrepreneuriale suit presque une filiation chronométrée : «Mon père a créé sa première boîte à 24 ans, j’ai créé la mienne à 21, mon fils la sienne à 18». 

 

Laurent montre à ses enfants des vidéos de l’OM, des interviews de leur grand-père et constate avec joie que son fils est «ultra fan» de Bernard, qui fut un grand-père très présent.

 

Philippe confie, quant à lui,  que ce livre l’a obligé à faire « un tri » entre ce qu’il veut garder de son héritage et ce qu’il préfère ne pas transmettre.

Il a aussi rappelé que les traumatismes se transmettent parfois sur « trois ou quatre générations », modifiant jusqu’à notre ADN. D’où l’urgence, pour les héritiers de ces traumatismes de mettre des mots sur ce qui a été vécu.

 

Au nom du clan

écrit par Philippe Spanghero

Aux éditions ALISIO

 

Catherine Merveilleux

 

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