Le Jour et La Nuit
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L’AVOCAT AUGMENTÉ

Comme de nombreuses professions, le monde du droit évolue à grande vitesse, et l’intelligence artificielle s’impose comme un outil incontournable pour tous les professionnels. Cet article explore les avancées technologiques et leur impact sur la pratique de la profession d'avocat, entre opportunités, défis éthiques et enjeux stratégiques.

Maître Julien Ayoun, avocat au Barreau de Marseille, a rencontré son confrère, Maître Patrice Humbert, avocat au Barreau d’Aix-en-Provence et formateur en Intelligence Artificielle, qui lui a livré sa vision d’un métier en pleine mutation.

 

Julien Ayoun : Peux-tu nous raconter ton parcours et ce qui t’a amené à créer une société de formation en intelligence artificielle ?

 

Patrice Humbert : Bien sûr ! Je suis avocat spécialisé en droit du dommage corporel et de la responsabilité médicale. Mon parcours m’a toujours conduit à chercher des solutions pour rendre la pratique juridique plus efficace et plus humaine. J’ai découvert l’intelligence artificielle le 6 décembre 2022 et j’y ai vu un formidable levier pour alléger la charge de travail, mais aussi pour offrir un accompagnement de qualité à mes clients. J’ai repris le blogue du Cabinet et nous avons atteint près de 200 000 visites par mois sur le site. Un exploit complètement fou. Alors j’ai continué à me former à travers des cours dispensés à distance aussi bien par Harvard que par les principaux acteurs dans le domaine de l’IA générative. Je me suis amusé à faire un petit calcul et à ce jour j’ai aussi bien dispensé, reçus ou utilisé l’IA plus de 1500 heures. Cette passion pour l’Intelligence artificielle et ma volonté de partager ces outils m’ont conduit à créer une société de formation dédiée à son intégration dans le métier d’avocat. J’ai également créé une chaîne sur YouTube et nous avons fêté notre 110 000ème abonné, il y a quelques jours. Ceci m’a décidé à créer la première académie du droit et l’IA. L’idée, c’est de montrer que l’IA n’est pas là pour remplacer l’humain, mais pour le renforcer. Enfin je viens d’obtenir une certification en IA générative. Je suis à ce jour le seul Juriste en France titulaire de cette certification pour le moment car j’espère entraîner de nombreux Confrères vers cette voie.

 

 

Qu’est-ce qui t’a donné envie de t’intéresser à l’IA et de l’intégrer dans ton quotidien d’avocat ?

 

Tout est parti d’une frustration : le temps perdu sur des tâches répétitives et peu gratifiantes. Quand j’ai découvert les capacités des outils comme ChatGPT, j’ai vu un potentiel incroyable pour recentrer notre énergie sur ce qui compte vraiment : la stratégie, la relation client et la défense des droits. Intégrer l’IA dans mon quotidien, c’était aussi une façon d’être en phase avec mon époque et d’anticiper les évolutions de notre profession.

 

Selon toi, quelles sont les plus grandes opportunités que l’IA offre aux avocats aujourd’hui ?

 

L’IA nous permet de gagner un temps précieux. Que ce soit pour analyser des documents, rédiger des synthèses ou explorer des jurisprudences, elle nous offre une assistance qui nous libère pour des tâches à plus forte valeur ajoutée. Mais ce n’est pas tout : elle améliore aussi notre précision et notre efficacité, ce qui est essentiel pour offrir un service irréprochable à nos clients.

 

 Est-ce que tu vois l’IA comme une simple aide à la pratique juridique ou comme un levier capable de révolutionner notre métier ?

 

Je la vois comme les deux. À court terme, elle est une aide précieuse pour alléger notre charge de travail. Mais à moyen et long terme, c’est une révolution en devenir. Elle redéfinit notre manière de travailler, nous oblige à repenser nos méthodes et à nous concentrer sur ce que seuls les humains peuvent apporter : l’intelligence émotionnelle, la stratégie et la créativité juridique.

 

À ton avis, dans quels domaines du droit l’IA est-elle déjà indispensable ? Et où reste-t-elle encore limitée ?

 

Elle est déjà indispensable dans des domaines nécessitant une gestion volumineuse d’informations, comme le droit des affaires ou en droit médical. En revanche, elle reste limitée pour des tâches où l’intuition, l’éthique et l’interprétation humaine jouent un rôle clé, comme dans les négociations sensibles, le droit pénal ou les plaidoiries. 

 

Quels sont, selon toi, les enjeux principaux pour former les avocats à l’IA ?

 

Le principal enjeu, c’est la pédagogie : démystifier l’IA, montrer qu’elle est accessible et qu’elle ne menace pas nos métiers. Il faut aussi souligner l’éthique : utiliser ces outils en respectant nos obligations professionnelles, comme le secret professionnel ou le RGPD.  

 

L’IA française Mistral, en version payante, est la seule à ce jour à respecter scrupuleusement ces obligations. Les IA juridiques des éditeurs respectent cela mais elles sont très onéreux et très limités dans les capacités. 

 

Ton programme de formation, qu’est-ce qu’il met en avant : l’aspect technique, stratégique, éthique ?

 

C’est un mélange des trois. Je veille à ce que mes formations soient concrètes et adaptées à la réalité des cabinets d’avocats. L’aspect technique est essentiel pour maîtriser les outils, l’aspect stratégique pour les intégrer efficacement dans nos pratiques, et l’aspect éthique pour garantir leur usage responsable. 

 

Comment fais-tu pour convaincre des confrères qui pourraient être réticents à ces nouvelles technologies ?

 

Je les écoute d’abord. Chaque réticence vient d’une peur ou d’une incompréhension. Ensuite, je leur montre des cas concrets où l’IA fait gagner du temps et améliore la qualité du travail. Et surtout, je rappelle que l’IA n’est pas une menace, mais une opportunité de se recentrer sur l’essence de notre métier.

 

Est-ce que, selon toi, l’IA peut menacer l’indépendance de l’avocat ou encore le secret professionnel ?

 

Elle le pourrait, si elle est mal utilisée. C’est pourquoi il est crucial de comprendre comment ces outils fonctionnent, où sont stockées les données, et d’adopter des pratiques rigoureuses pour protéger le secret professionnel. Bien encadrée, l’IA renforce au contraire notre indépendance en nous permettant de travailler plus efficacement.

 

 

À quoi ressemble, selon toi, l’avocat de demain dans un monde où l’IA prend de plus en plus de place ?

 

L’avocat de demain sera un expert stratégique, un conseiller humain qui saura s’appuyer sur l’IA pour optimiser son travail. Il consacrera moins de temps à la paperasse et plus à l’écoute, à la négociation et à la défense des droits. Mais pour atteindre ce but, il est impératif que tous mes confrères prennent conscience de l’importance de bien se former. 

 

Est-ce que tu crois qu’on arrivera à un moment où l’IA pourra remplacer certains rôles d’avocats ?

 

 Elle pourrait remplacer certains aspects routiniers, comme la rédaction de documents standards ou la recherche juridique basique. Mais pour tout ce qui relève de la stratégie, de l’interprétation ou de la relation humaine, l’avocat restera irremplaçable. 

 

Comment t’imagines-tu dans 5 ou 10 ans ?

 

Je me vois comme un avocat connecté, une force de proposition dans l’accompagnement des professionnels du droit à l’ère de l’IA. Mon ambition est de développer des programmes encore plus pointus, collaborer avec d’autres disciplines, et pourquoi pas, lancer une Legaltech. Je ne m’interdis rien, car tout est en pleine évolution et je veux devenir un acteur majeur dans ce secteur qui me passionne.

 

Qu’est-ce qui te motive au quotidien dans ce projet autour de l’IA ?

 

C’est le plaisir de voir les yeux de mes confrères s’illuminer quand ils comprennent le potentiel de ces outils. Ce sentiment de contribuer à leur réussite et d’aider notre profession à évoluer me motive chaque jour. 

 

Si tu devais donner un seul conseil à un jeune avocat qui veut se former à l’IA, ce serait lequel ?

 

N’aie pas peur de commencer, forme-toi. Et surtout, vois l'IA comme une alliée, pas comme une menace. 

 

 Y a-t-il une anecdote marquante ou surprenante que tu as vécue grâce à l’IA dans ta pratique ou dans tes formations ?

 

Oui, un confrère sceptique m’a demandé de prouver que l’IA pouvait l’aider. En quelques minutes, j’ai synthétisé un dossier qu’il préparait depuis des jours. Sa réaction a été un mélange de surprise et d’admiration. C’est là que j’ai compris à quel point ces outils pouvaient transformer notre manière de travailler. 

 

Interview réalisée par Julien AYOUN

(avec assistance de l’IA)

 

Patrice Humbert, Julien Ayoun, avocat, IA, Intelligence Artificielle, Marseille, Le Jeu et La Nuit, lejouretlanuit.net

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