A.-S. Bailly, réalisatrice de Mon inséparable lors de la présentation de son film par J. Andréani

Mona vit avec son fils trentenaire, Joël, qui est « en retard ». Il travaille dans un établissement spécialisé, un ESAT, et aime passionnément sa collègue Océane, elle aussi en situation de handicap. Alors que Mona ignore tout de cette relation, elle apprend qu’Océane est enceinte. La relation fusionnelle entre mère et fils vacille.

Catherine Merveilleux : Comment est née l’idée de faire un film sur un sujet si délicat ?

Anne-Sophie Bailly : L’idée vient d’un duo mère-fille que j’ai rencontré dans la maison de retraite où ma mère travaillait comme infirmière. La fille était porteuse d’un handicap et sa mère la surprotégeait. Leur relation était fusionnelle et pleine d’amour mais aussi d’inquiétude de la mère face à l’avenir de sa fille quand elle viendrait à disparaître. La relation fusionnelle mère-fille était exacerbée du fait que la fille était porteuse d’un handicap. Sa mère la surprotègeait. Je me suis ensuite documentée sur le sujet et j’ai passé du temps dans des ESATS.

C.M. : Les acteurs Charles Peccia Galletto et Julie Froge, qui interprètent les rôles de Joël et et d’Océane sont eux-mêmes porteurs d’un handicap. Etait-il important pour vous qu’ils le soient ? Comment s’est passé le casting ?

A.S.B. : Je ne voulais surtout pas les choisir à cause de leur handicap. Ils ont été castés pour leurs qualités. Charles est acteur et participe à des ateliers d’impro en ESAT. Julie a été choisie à cause de sa sensibilité à fleur de peau, de son charisme. Tous les deux ont été sélectionnés car ils avaient une forte motivation et avaient donné leur consentement éclairé en toute connaissance de cause. Je ne voulais surtout pas les utiliser. Le choix de Charles a été une évidence. Le couple Charles & Julie était crédible. Il émanait de leur couple à l’écran beaucoup de tendresse et de connivence.

C.M. : Vous abordez le sujet de la sexualité des personnes en situation de handicap. Comment ce sujet délicat est-il vécu en institution ? Est-il tabou ?

A.S.B. : Dans les foyers, il n’existe pas de lits doubles. Le problème de la contraception n’ est pas abordé.

C.M. : Comment cela se passe-t-il lorsqu’ils deviennent parents ?

A.S.B. : Quelques questions éthiques se posent. Quels sont les droits de l’enfant à venir ?Quel est le risque de lui transmettre une déficience, une pathologie génétique. A qui revient le droit de garde ? Tout dépend du contexte familial, s’ils sont bien entourés par la famille et les proches, tout peut bien se passer. Mais en fait, il n’existe pas de dispositifs spécifiques pour entourer les jeunes parents.

C.M. : Le film est aussi l'histoire de deux histoires d’amour, celle de Joël et d’Océane et en miroir celle de Mona avec un homme qu’elle vient de rencontrer et dont elle tombe amoureuse.

A.S.B. : Le film est celui d’une double émancipation et de deux histoires d’amour. Joël s’affranchit de sa relation fusionnelle avec sa mère et Mona qui s’est sacrifiée toute sa vie depuis la naissance de son fils et qui a abandonné toute vie amoureuse peut enfin avoir une vie amoureuse. Comme bien des femmes, elle a été abandonnée par le père de Joël lorsque celui-ci a pris connaissance du handicap de son fils et elle a dû assumer toute seule son éducation et sa garde.

C.M. : Pensez-vous que votre film fera avancer les choses sur un sujet aussi délicat ?

A.S.B. : Je l’espère. Avec Charles, l’acteur qui interprète le rôle de Joël, nous avons été reçus à ce sujet, il y a quelques jours au ministère. A suivre…

Réalisation : Anne-Sophie Bailly

Casting : Laure Calamy, Charles Peccia Galletto, Julie Froger, Geert Van Rampelberg.

Sortie le : 25 décembre 2024

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