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Une Vraie mère ou presque . Un roman de Didier van Cauwelaert

On ne présente plus Didier van Cauwelaert, Prix Concourt en 1994 pour son roman Un Aller simple, auteur prolifique, qui a écrit une quarantaine de livres traduits dans 20 langues dont certains ont été adaptés au cinéma comme Le Retour de Jules, il multiplie les prix littéraires et les succès publics. J’ai eu le plaisir de l’interviewer à propos de son dernier roman Une Vraie mère ou presque… à l’occasion de  la dictée de Marcel Pagnol à Aubagne.


Catherine Merveilleux : Une Vraie mère ou presque est un livre profond et léger où grâce à l’humour vous abordez des thèmes graves où le lecteur oscille entre rires et larmes. Pourquoi ce livre est-il tragi-comique ?

Didier van Cauwelaert : Employer l’humour permet de susciter l’empathie du lecteur et évite d’utiliser le Pathos. Le message subliminal est comment agir avec ceux qu’on aime et dissiper les malentendus avant qu’il ne soit trop tard…

 

C.M. : Vous partez d’un prétexte, à savoir l’absurdité administrative quasi kafkaïenne que vit le narrateur pour parler de la mort, des non-dits, des malentendus. C’est un livre en plusieurs dimensions, avec plusieurs strates… Pouvez-vous en quelques mots nous raconter l’histoire de votre roman ?

D.V.C. : En trois mois, la mère du narrateur a perdu onze points sur son permis de conduire. Elle n’a jamais conduit aussi mal que depuis qu’elle est morte. Mais voilà qu’un jour, une lettre de la préfecture la convoque à un stage de récupération de points. C’est alors que Lucie Castagnol, comédienne à la retraite lui propose d’interpréter le rôle de la disparue,  lors du stage, pour lui permettre de récupérer ses points. Les confrontations successives avec la doublure de sa mère, non seulement le bouleversent, mais  lui permettent de résoudre les différends qu’il n’avait pas réussi à résoudre avec elle lorsqu’elle était vivante.


C.M. : C’est un bel hommage à la figure maternelle. Le personnage de la mère est aussi émouvant  que la mère de Romain Gary dans La Promesse de l’aube ou que celle d’Albert Cohen dans le Livre de ma mère. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce personnage charismatique et flamboyant ?

D.V.C. : La mère du narrateur, Simone Pikswaert est une femme volcanique avec un ego très développé. Exclusive, elle jalouse l’amour qu’il porte à son père, à sa femme Tiphaine pour qui elle éprouve, semble-t-il, une véritable antipathie et une véritable aversion. "Toutes mes amies me demandent pourquoi tu n’écris  pas sur moi…» lui répète-t-elle fréquemment. Elle se forge un destin fabuleux alors qu’elle n’a fait que créer une rose pour Arielle Dombasle. Ce qui lui a permis d’assister à son mariage avec Bernard Henri Levy.…mais c’est aussi une femme courageuse qui a créé une société.

 

C.M. : Avez-vous fait appel à des souvenirs autobiographiques et personnels pour réaliser le portrait de cette mère volcanique et flamboyante ?

D.V.C. : J’ai moi-même, il y a quelques années écrit un livre sur mon père intitulé Le Père adopté. Ma mère en a pris ombrage comme elle a toujours pris ombrage de la forte connivence qui existait entre mon père et moi. Elle a souvent manifesté le désir que j’écrive un livre sur elle. Ce livre prouve qu’il n’est jamais trop tard …

 

C.M. : Votre roman met en scène une autre personnage féminin, qui a lui aussi une très forte personnalité. C’est celui de la comédienne qui incarne le personnage de la mère.
D.V.C. : Le personnage de Lucie Castagnol, sexygénaire, comédienne rebelle et passionnée, qui  propose  au narrateur d’incarner le rôle de sa mère est une éponge empathique. Elle est en totale fusion avec le personnage qu’elle interprète. Elle est possédée par l’esprit de sa mère, parfois même en transes. Souvent les actrices confient être habitées par un  rôle  marquant qu’elles ont incarné. Lucie joue son dernier rôle. Elle s’investit à fond dans son personnage, s’imprègne de son rôle, porte la perruque du personnage qu’elle incarne, met son parfum, porte ses vêtements, dort dans son lit, parle comme elle, met des lentilles de contact bleues car elle avait les yeux bleus …


C.M. : En fait, selon vous, qu’est ce qu’une vraie mère, une mère digne de ce nom ?

D.V.C. : Comme la mère du narrateur l’écrit dans son journal intime, une vraie mère ne doit pas lutter contre les rêves de son enfant, ne pas le laisser se fourvoyer, mais ne doit rien  laisser transparaître de ses fragilités et de ses faiblesses car ce n’est pas le rôle d’une mère d’être maternée. Une vraie mère doit rester digne et c’est ce que Simone, en héroïne fait.

 

C.M. : Votre livre parle aussi des relations intra familiales qui sont parfois conflictuelles …

D.V.C. : Notamment des relations belle-mère-belle-fille qui sont parfois brûlantes et tendues. Simone et Tiphaine, l’épouse du narrateur s’envoient des piques à fleurets mouchetés. Pour Simone, la maman du narrateur, qui est une femme à l’amour débordant et exclusif , il est difficile d’accepter la présence d’une rivale, mais il finit par s’avérer qu’au fond, malgré les apparences, les deux femmes se ressemblent.

 

C.M. : Ce livre est aussi un livre sur les non-dits.

D.V.C. : Il faut savoir dire à ses proches qu’on les aime lorsqu’il est encore temps. Le personnage de Lucie permet, en fait, au narrateur de dire à sa mère qu’il l’aime, ce qu’il n’avait jamais fait et lui permet de résoudre les  tensions, les relations conflictuelles, qui ont toujours  été les leurs depuis le jour même de  sa naissance.

 

C.M. : En filigrane, à travers les personnages de Lucie Castagnol et de Shangore, médecin généraliste, amoureux transi de la maman du narrateur, vous abordez un problème de société important, à savoir la gestion de la pandémie de  Covid 19.  Pouvez-vous nous en dire plus ?

D.V.C. : Le docteur Shangore démissionne et dépose sa plaque de médecin car il s’insurge contre le fait que pendant la crise du Covid les politiques ont interdit aux médecins de soigner leurs malades. «Le conseil de l’ordre m’oblige à vacciner au lieu de soigner», s’insurge-t-il. La comédienne, Lucie Castagnol est, quant à elle, une passionaria anti pass vaccinal qui manifeste et écrit des chansons au vitriol qui dénoncent la politique menée pendant la gestion du Covid. C’est une personne engagée.

 

C.M. : J’imagine très bien une adaptation cinématographique de ce roman…

D.V.C. : C’est prévu. Deux comédiennes sont pressenties pour le rôle, mais c’est encore un  secret car je  préfère pas divulguer leur nom tant que ce n’est pas décidé.


Une Vraie mère ou presque
Un roman de Didier van Cauwelaert
Editions Albin Michel


Catherine Merveilleux

 

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