Le Jour et La Nuit
Le Jour et La Nuit

Rencontre avec Emilie Frèche à l’occasion de l’avant-première du film Les Engagés.

Pour son premier film en tant que réalisatrice, Emilie Frèche s’attaque à un sujet d’une actualité brûlante qui pose un problème éthique crucial. Faut-il mettre sa morale au dessus des lois lorsque celles-ci nous semblent iniques et inhumaines ?

 

L’antisémitisme, le racisme, le rejet des exilés sont des thématiques fortes que l’on retrouve dans la plupart des livres et des scénarios d’Emilie Frèche. Elle a notamment été scénariste de « 24 jours, la vérité sur la mort d’Ilan Halimi » réalisé par Alexandre Arcady, a co-écrit avec Marie-Castille Mention-Schaar «Le Ciel attendra», un drame sur les jeunes filles candidates au Djihad et a co-signé avec Ivan Attal «Ils sont partout», un film qui dénonce les clichés antisémites. Des sujets courageux, qui confie-t-elle, lui ont parfois valu des inimitiés et des menaces car elle s’attaquait à l’Antisémitisme et à l’Islamisme intégriste.

Les Engagés, le film qu’elle vient de réaliser, est un film sur la fraternité et sur l’engagement. Le synopsis est le suivant : Sur la route de Briançon, la voiture de David percute un jeune exilé poursuivi par la police. Suivant son instinct, David le cache dans son coffre et le ramène chez sa compagne Gabrielle qui vit avec ses deux enfants. Bouleversé par le destin de cet adolescent, David s’engage à l’aider coûte que coûte.

Emilie Frèche confie que l’idée du film lui a été inspirée par des faits réels, en l’occurence, l’Affaire des 7 de Briançon. «J’ai découvert cette histoire dans la presse, en 2018. Tout de suite le sujet m’a interpellée. A l’époque, Génération Identitaire, un groupe qui a été dissous depuis, patrouillait en hélicoptère au dessus du col de l’Échelle pour repérer les migrants. Les Solidaires avaient choisi de riposter en organisant une manifestation. La police les a laissés passer la frontière, mais arrivées en France, plusieurs personnes ont été arrêtées et certaines ont été placées en détention provisoire à la prison des Baumettes à Marseille pour aide à l’entrée illégale sur le territoire en bande organisée. Ils risquaient 10 ans de prison et 7500 euros d’amende. Ils ont tous été relaxés en appel, mais certains, lors de la détention provisoire, ont été privés de leur liberté. La solidarité est-elle un crime ? Comment des gens peuvent-ils se retrouver en prison pour avoir sauver des vies ?»

La réalisatrice poursuit :«Cette histoire m’a beaucoup bouleversée car elle m’a rappelé l’époque où pendant la seconde guerre mondiale, on organisait de véritables chasses à l’homme et où on dénonçait les Juifs. Elle m’a aussi touchée personnellement à cause de mes origines juives. La désobéissance civique est une valeur qui m’est particulièrement chère car je dois le fait d’avoir vu le jour à des gens, qui par humanisme et solidarité ont désobéi à la loi. Ma grand-mère, qui était juive d’Europe centrale, habitait pendant la guerre à Paris et n’a dû sa survie en 1943 qu’à un ami qui l’a prévenue qu’une rafle allait avoir lieu. Une de ses voisines résistante l’a alors accueillie chez elle et lui a donné sa propre carte d’identité pour lui permettre de passer la ligne de démarcation. Grâce à cette fausse carte, ma grand-mère, mon arrière-grand-mère et mon oncle ont pu prendre le train. Ils ont été recueillis chez des gens à Tarbes jusqu’à la fin de la guerre. Cette voisine leur a sauvé la vie. Sans elle je ne serai pas là. Je lui dois la vie et mes 3 enfants aussi. Je suis très admirative de ceux qui ont le courage de dire non pour sauver des vies et qui font passer leurs valeurs au dessus des lois lorsque celles-ci sont iniques et inhumaines. Je ne compare cependant pas la situation des Juifs d’hier, victimes d’un génocide, et celle des migrants. Cela n’a rien de comparable, mais dans les deux cas, il est question d’humanité, de solidarité et de fraternité.»

La réalisatrice explique : « Après avoir lu cet article, je me suis rendue sur les lieux où se sont déroulés les faits, j’ai trouvé une chambre à Montgenèvre et ma logeuse m’a mise en relation avec une personne du Refuge où j’ai rencontré des bénévoles et des migrants. J’ai été bouleversée par ces Jeunes, leur mutisme, la détresse, la vieillesse et la résignation qu’on lisait dans leurs yeux. Je n’ai pas pu m’empêcher de comparer leur destin à celui de mes propres enfants de 19, 15 et 12 ans, nés du bon côté. »

«Le spectateur s’identifie plus facilement au personnage de David car ce n’est pas un militant. Il se demande qu’est ce que moi j’aurais fait à sa place ? Ce n’est que lorsqu’il percute le jeune Yoko qu’il se sent concerné, qu’il prend conscience du problème et qu’il s’engage. C’est d’ailleurs le cas des personnes que j’ai rencontrées au Refuge. Ce ne sont pas des activistes, des militants. Ce sont des retraités, des parents, des profs, des montagnards qui savent qu’à la montagne on tend la main pour aider celui qui est en difficulté. Ce ne sont pas des anarchistes, des fauteurs de trouble. Ils ne sont mus que par la fraternité et la solidarité, explique Emilie Frèche.

Un film fort, qui lors de la tournée qu’effectue Emilie Frèche, rencontre une adhésion chaleureuse du public à l’occasion des nombreuses avant-premières qui ont eu lieu à travers la France.

Un magnifique casting. Benjamin Lavernhe que l’on avait découvert dans la comédie Le Sens de la fête d’Eric Toledano et Olivier Nakache dans le rôle du jeune marié, se révèle un comédien aux multiples facettes, aussi bon dans le drame que dans la comédie et Julia Piaton est lumineuse et solaire.

Sortie: Le 16 novembre

Un film d’ Emilie Frèche écrit par Emilie Frèche

Casting : Benjamin Lavernhe, Julia Piaton, Bruno Todeschini, Catherine Hiegel, Youssouf Gueye


Catherine Merveilleux


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