Le Jour et La Nuit
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Et la fête continue ! Un film lumineux de Robert Guédiguian

Le dernier film de Robert Guédiguian est à mon avis, son plus beau. C’est un film qui évoque des thématiques sombres et problématiques à propos de l’effondrement de notre société dans pas mal de domaines, mais qui paradoxalement est très lumineux.

 

Catherine Merveilleux : Vous vous êtes inspiré de Michèle Rubirola pour écrire le rôle de Rosa incarné par Ariane Ascaride. Qu’est-ce qui vous a séduit en elle ?

Robert Guédiguian : Ce n’est pas un biopic sur Michèle Rubirola. Elle est juste le point de départ de mon désir d’écrire cette histoire. Michèle Rubirola ne voulait pas être tête de liste de la gauche pour les municipales à Marseille mais, elle seule, faisait l’unanimité. Elle a donc été « contrainte » d’accepter et, contre toute attente, a été élue. Au bout de quelques mois, elle a craqué et a abandonné le poste de maire. Il y avait chez elle un refus du pouvoir alors qu’elle avait milité toute sa vie pour y accéder ou, du moins, pour que ses idées prennent le pouvoir. Son attitude m’a intrigué et m’a donné l’idée d’interroger le rapport que nous entretenons aujourd’hui avec l’action politique à travers quelques personnages de différentes générations car à mon avis, il est possible aujourd’hui de faire de la politique autrement. Michèle Rubirola m’a inspiré, à son insu, le motif central du film. Cela s’arrête là. Ce n’est pas une reconstitution de son histoire.

 

C.M. : Michèle Rubirola a-t-elle vu le film ?

R.G. : Je la connais et j’ai personnellement soutenu le Printemps marseillais. Je lui ai montré le film, il y a deux semaines. Elle a été très émue. Elle a trouvé le film très beau. Elle a pleuré.

 

C.M. : C’est un film qui parle de sujets très sombres mais qui est très lumineux. Est-ce pour montrer que vous gardez un certain espoir ?

R.G. : J’alterne films tragiques et films optimistes. C’est vrai que celui-ci est particulièrement optimiste et très loin de Gloria mundi. Je ne ne suis ni dépressif, ni joyeux. En fait, je suis un déprimé combatif. La meilleure façon de ne pas être dépressif est d’être dans l’action comme le sont mes personnages. Il y a une part de moi dans tous les personnages. Je suis Rosa, je suis Sarkis, Je suis Tonio, je suis Henri et tous les autres…

 

C.M. : Vous brossez une fresque de société accablante: délabrement de l’Ecole, de l’Hôpital, génocide du peuple arménien, effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne. Est-ce une métaphore de l’effondrement de notre société ?

R.G. : En quelque sorte. Je montre l’état de l’hôpital où travaillent Rosa et Laetitia et leur désespérance mais je montre aussi leur courage, leur abnégation et leur détermination. Il ne faut pas abandonner l’espoir et l’action collective et Rosa redonne espoir à sa jeune collègue Laetitia qui reprend le flambeau. L’association qui défend les victimes de la rue d’Aubagne montre, elle aussi, une autre façon de faire de la politique. Alice en est l’incarnation. Les gens qui prennent à bras le corps les problèmes de vétusté de l’école en sont un autre lorsqu’ils repeignent eux-mêmes l’école. A notre époque de régression et d’égoïsme qui touchent toutes nos sociétés, un cinéaste ne peut se contenter de décrire la misère du monde... il doit aussi montrer des voies nouvelles grâce auxquelles les idées de partage et de démocratie peuvent l’emporter, de l’Arménie agressée, de la défense de l’hôpital et de l’école, de la réinvention de la gauche à l’horizontalité des luttes de quartier. Et tout cela avec le souci d’être entendu, c’est-à-dire d’être un cinéaste qui croit que le cinéma d’auteur et le cinéma populaire ne sont pas incompatibles.

 

 

C.M. : Quel est le synopsis de votre film ?

R.G. : Le synopsis est le suivant : Rosa incarnée par Ariane Ascaride est le cœur et l’âme de son quartier populaire du vieux Marseille. Elle partage son énergie débordante entre sa grande famille très unie, son travail d’infirmière et son engagement politique en faveur des plus démunis. Mais à l’approche de la retraite, ses illusions vacillent. Portée par la vitalité de ses proches et par sa rencontre avec Henri, elle va réaliser qu’il n’est jamais trop tard pour accomplir ses propres rêves, politiques et personnels.


C.M. : Le personnage de Rosa veuve à 26 ans montre que même tardivement on peut trouver le bonheur et l’amour. C’est encore une preuve d’optimisme.

R.G. : Je le reconnais. C’est un film très optimiste. Le titre «Et la fête continue !» a existé tout de suite et nous avons pris dès le début la décision irrévocable de faire un film qui se terminerait bien.

 

C.M. : C’est peut-être l’un de vos films où vous évoquez le plus vos racines et votre attachement à l’Arménie…

R.G. : Oui, l’un des fils de Rosa veut s’engager dans l’armée à cause de l’invasion du Haut Karabagh par l’Azerbaïdjan. Les personnages sont très attachées à leurs racines arméniennes, à leur culture.

 

C.M. : Rosa est un beau personnage qui a  des valeurs et qui les transmet. Elle a de beaux sentiments et sauve le couple de l’un de ses fils avec Alice. Malgré son attachement à ses racines arméniennes, elle a un beau discours. sur la transmission.
R.G. : Oui Alice ne peut pas avoir d’enfants à cause d’une malformation congénitale et Rosa explique à son fils que les valeurs se transmettent par l’éducation et non par le sang et que l’acquis est plus important que l’inné.

 

C.M. : Vous utilisez la musique que Georges demeure avait écrite pour La Mépris …

R.G. : Outre le fait que cette musique est très belle en soi, et qu’elle fonctionne parfaitement avec la scène, c’est effectivement un hommage à Godard qui est mort pendant le tournage. La musique originale du film est composée par Michel Pétrossian que je connais bien et nous avons travaillé en collaboration étroite. Il m’a consulté  tout au long de sa composition. C’est la raison pour laquelle, la musique est tellement en symbiose avec le film.

 

Casting : Ariane Ascaride Jean-Pierre Darroussin, Lola Naymark, Robinson Stevenin, Gérard M eylan, Grégoire Leprince-Ringurt, Alice Da Luz Gomez


Sortie le 6 décembre 2023


Catherine Merveilleux

 

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