Dès les premières pages de son ouvrage, Bérengère Viennot explique que pour elle, traduire ne se résume pas à traduire des mots et qu’il est nécessaire de s’inspirer le plus possible du parcours du locuteur, de sa personnalité et vu qu’elle pense que Trump est un milliardaire narcissique, sexiste, raciste et inculte, elle décrypte chacun de ses propos en leur donnant une connotation narcissique, sexiste, raciste, dénuée de finesse et de culture. Par exemple lorsqu’il déclare à Brigitte Macron: «You’re such in a good shape», ce qui est sympathique et gentil, elle ne traduit pas cela par : « Vous êtes en forme ! » mais par: « Qu’est ce que vous êtes bien conservée pour votre âge !» ou par : «Mais vous êtes encore pas mal du tout !» car elle suppute que Donald Trump fait référence au fait que Brigitte Macron a plus de soixante ans et que comme c’est, at-elle décrété, un mufle, il est incapable de dire quelque chose de spontané et de gentil.
Certes, il est indéniable que Donald Trump ne fait pas dans la dentelle et qu’il a un langage explicite, direct, plutôt «rough» comme disent les Américains, mais un traducteur se doit de traduire ce
qui a été dit et non pas ce qu’il suppute que le locuteur traduit pensait en son for intérieur en s’exprimant. Certes Trump a bouleversé les codes, s’exprime sur Twitter dans un langage pas toujours
châtié, dans une syntaxe pas toujours rigoureuse et surtout profère des idées et des propositions très peu politiquement correctes. Certes sa syntaxe est hachée, son vocabulaire simplifié à
l’extrême, mais c’est le fait de nombreux Américains qui justement se reconnaissent pour cela en lui car il n’utilise pas la langue de bois et un langage sophistiqué. Il est extrêmement moderne et
perspicace en utilisant Twitter et en se méfiant des conférences de presse où les journalistes tronquent les propos, les détachent de leur contexte, les dénaturent, les déforment pour les faire
correspondre à ce qu’ils pensent. En lisant le livre de Bérengère Viennot, le lecteur découvre que les traducteurs en remettent eux aussi une deuxième couche. Ce qui manque totalement de
déontologie et de transparence. Certes son langage est parfois violent, certes il n’utilise aucun filtre, loin s’en faut, mais c’est le président que les Américains ont choisi et il correspond à
certaines de leurs attentes. Il a même été élu car les Américains avaient, comme le reconnaît et l’écrit l’auteur, l’impression d’être menés en bateau par une élite politique manipulatrice et qu’ils
voient désormais dans le côté nature de Trump une forme de franchise et d’honnêteté. Lui-même admet qu’il n’est pas «présidentiel.» Tout au long de son ouvrage, l’auteur qui a été, comme elle déclare
elle-même, expulsée de sa zone de confort après l’élection de Donald Trump poursuit ce qu’elle considère une analyse et un décryptage de la langue de Trump dont elle estime qu’il n’a pas plus de
vocabulaire qu’un élève de 5° et que son champ lexical est très réduit. Je reconnais que l’auteur a raison quand elle écrit que Twitter est le meilleur moyen de communiquer du ressenti et non
des faits et que les débats sur Twitter manquent de profondeur philosophique et de nuances, c’est une évidence, mais c’est aussi malheureusement un phénomène de société auquel beaucoup de nos
contemporains adhèrent. Cependant comparer Trump au dictateur du film de Charlie Chaplin Le Dictateur qui joue avec un ballon représentant le globe terrestre est exagéré et sans fondements. Le comble
est atteint lorsqu’elle se permet des réserves sur la santé mentale de Trump, parle de dysfonctionnements, tout en reconnaissant qu’elle n’est pas spécialistes des troubles cognitifs, mais
qu’elle a une certaine expérience de ces troubles car son propre enfant est dyslexique ! Elle finit même par l’accuser d’être nourri de Junk food, abreuvé de soda (un crime !) et d’avoir été élu par
les White trash, ce qui signifie littéralement les poubelles blanches. Terme extrêmement péjoratif. Ce qui est insultant pour les électeurs américains. A la fin de l’ouvrage, elle fait allusion à un
article du magazine The Atlantic qui suspecterait, selon elle, car elle ne rapporte pas in extenso et noir sur blanc les propos, chez Trump les signes annonciateurs d’une maladie d’Alzheimer. Bref,
l’auteur se permet avec beaucoup de légèreté des interprétations, des jugements péremptoires et des diagnostics psychiatriques infondés dans le but de diaboliser Trump. Ce n’est pas très sérieux.
Un essai de Bérengère Viennot.
Editions Les Arènes
Catherine Merveilleux
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