Juliette est une jeune fille bien élevée dont la famille ne transige pas avec les principes et la bonne éducation. Les vacances de cet été 69 seront les dernières de son enfance, de son innocence car la révolution des mœurs et les revendications sociales de mai 68 se sont chargées de bouleverser les normes et les diktats de la bien-pensance et Juliette entraînée par Camille, plus délurée qu’elle flirte avec les interdits, les transgressions, défie sa famille et la provoque. Une fureur de vivre s’empare de la jeune fille sage et docile et elle tente de briser les carcans qui l’emprisonnent, malgré les tentatives désespérées de ses parents pour l’empêcher de se perdre avec le ténébreux Patrice qui finira par sombrer dans la drogue et l’autodestruction. Juliette rêve de ruer dans les brancards, elle affiche la photo du Che dans sa chambre, change de look pour jouer les rebelles, porte une veste de G.I, bariolée de slogans Peace and Love, un jean rapiécé, un tee-shirt tigré, une casquette Mao à étoile rouge. Fini les chemisiers à col de dentelle, les robes à smokes, le kilt écossais ! La jeune fille rêve de révolution, d’insurrection, dévore les poètes maudits: Rimbaud, Verlaine et Baudelaire, se passionne pour la lutte prolétarienne, la cause des damnés de la terre, la lutte finale. Elle se veut libérée des préjugés de sa classe sociale et du consumérisme. Elle s’insurge contre le fric, la morale et l’ordre établi. Pour plaire à Patrice, elle milite pour la Gauche prolétarienne. Ses parents sont affolés par son goût pour les sorties, pour les garçons, par ses provocations et son changement radical de personnalité et sa mère lui promet un avenir de fille perdue si elle poursuit dans cette voie sulfureuse. Le personnage de Juliette est très touchant car elle est adorable dans sa candeur et sa bonne foi. Elle croit être une rebelle, une révolutionnaire alors qu’elle s’illusionne et ne transgresse qu’à peine les règles par quelques baisers volés et quelques fantasmes. De cette époque, elle ne conservera que le souvenir d’un garçon avec une mèche brune, une passion dévorante et inextinguible pour l’écriture et un flacon de parfum aux effluves de Jolie madame de chez Balmain.
Un très beau roman générationnel tout en sensibilité sur le passage de l’enfance à l’adolescence d’une jeune fille en proie aux affres de l’amour et aux premiers émois sur fond de révolution des mœurs. Un roman très touchant car l’auteur dépeint remarquablement le contraste entre l’ado à peine sortie de sa chrysalide qui continue à déguster ses chocos B.N, qui lit Mademoiselle âge tendre et la jeune passionaria qui défend la cause du peuple, le secours rouge et qui lit Nietsche, Kant, Heideger, Sartre et Michel Foucault. Premiers baisers, premiers émois, premiers frissons, pantalons pattes d’éph, la petite Juliette parviendrai-elle à s’émanciper et à connaître le grand frisson ou devra-t-elle rentrer dans le rang et obéir aux codes de la bonne société ?
Les Années solex
Un roman d’Emmanuelle de Boysson
Editions Héloïse d’Ormesson
Catherine Merveilleux
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