Il y a un an Spiky The machinist vient au Transformateur et assiste à Lâcher prise, le dernier ballet de Jean-Charles Gil. Les deux hommes ne se connaissent pas et
c’est tout de suite un coup de foudre artistique, une totale osmose génératrice de créativité. Un thème émerge de leur volonté commune de créer un spectacle en synergie. Un spectacle où la musique en
live interagira avec la chorégraphie et la gestuelle des danseurs… et réciproquement. Ce thème sera celui d’une rivalité masculine, d’une relation conflictuelle entre deux garçons en quête d’assurer
leur volonté de puissance. Discordes, disputes, bagarres se succèdent entre les deux hommes. Pourquoi ? La cause n’a que peu d’importance. Ce qui compte c’est l’ascendant que chacun veut prendre sur
l’autre, le duel entre deux hommes qui veulent montrer leur force et dominer l’autre. Cette confrontation virile, abrupte, exacerbée et violente permettra à chacun de trouver sa place et son
identité. Du barouf et de la bagarre naîtra l’apaisement et du désordre naîtra l’ordre. A la fin du duel, épuisés, ils prendront conscience qu’ils ont besoin l’un de l’autre pour se reconstruire et
rendront les armes. Cette confrontation est, en fait, une crise existentielle au sens où l’entendait Jean-Paul Sartre. L’être humain n’existe que dans sa confrontation avec l’autre. C’est en
substance l’essence de son livre l’Etre et le Néant. Barouf est une performance de 50 minutes, un concentré en dramaturgie. C’est une succession de tableaux chorégraphiques qui évoquent le désordre
et les affres de la violence dues aux séismes, aux ruptures, aux actes de barbarie, aux errances générées par la folie des hommes.
Les deux danseurs Jorge Calderon Arias et Simon Kuban réalisent une performance remarquable. L’un est espagnol, l’autre est tchèque. Ces deux danseurs représentent nos doubles intérieurs, nos
pulsions, les dissensions et les tensions qui sont les nôtres et qui nous écartèlent dans un monde en fusion, en effervescence après les attentats de Charlie Hebdo et du Marathon de Boston.
Pour la première fois de sa carrière, Jean-Charles Gil travaille avec un D.J, en l’occurence, Spiky the Machinist et c’est une réussite. Celui-ci compose, en effet, en live sur scène de la
musique électronique en symbiose avec la gestuelle des danseurs. C’est un magicien, un alchimiste du son. Natif d’Aix-en-Provence, il a 7 albums à son actif. Il a participé à des zappings
impressionnants comme celui du Grand Front à Osaka au Japon, celui de la cathédrale de Rouen, le lancement de la X.Box pour Microsoft et à des films publicitaires pour Paris la Nuit ou Adidas.
Sa musique donne le tempo des états d’âme des protagonistes de Barouf et montre leur violence, leur épuisement. Le passage où l’on entend la mer est bluffant et celui du retour aux sources, à l’état
originel scandé par le tam tam primitif et lancinant est tout simplement bluffant. C’est un spectacle original, à nul autre pareil. A ne manquer sous aucun prétexte quand il sera reprogrammé.
Catherine Merveilleux
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