C’est devant une salle comble et attentive que Geneviève Maillet, première femme bâtonnier du Barreau de Marseille a solennellement ouvert ces Rencontres en compagnie de Richard Martin, directeur du Théâtre Toursky. Ce grand comédien a, une fois de plus, fait vibrer son auditoire grâce au talent qui est le sien.
Maître Henri Leclerc, avocat au Barreau de Paris, ancien président de la Ligue française des Droits de l’Homme et du Citoyen a rappelé qu’au niveau de la
législation et de la constitution, les droits des femmes existent. L’arsenal juridique existe en théorie. L’expression « Droits de l’homme » est, effectivement, une expression générique qui englobe
tout être humain, homme ou femme, même si culturellement nous vivons, de fait, dans une société de tradition patriarcale et même si certains droits n’ont été acquis que très récemment comme le
droit à la contraception grâce à la loi Neuwirth, le droit à l’avortement, le droit de vote ou à avoir un compte en banque et à exercer une profession. Cependant même si tous ces droits sont acquis
juridiquement, la pression et la violence du pouvoir des hommes est encore latente, endémique et récurrente. On ne chasse pas des siècles et des siècles de soumission en quelques décennies.
L’atavisme est profond et ancestral. Humaniste convaincu, Henri Leclerc a ensuite abordé la délicate problématique du combat des femmes contre le harcèlement sexuel initiée par l’Affaire Weinstein. «
C’est une réaction juste, un combat légitime, même s’il y a quelques scories et quelques dégâts collatéraux », confie t-il. « J’ai reçu en consultation dans son cabinet des protagonistes des
deux côtés, aussi bien des femmes harcelées que des hommes accusés à tort… Quant aux inégalités salariales, les lois existent, mais elles ne peuvent tout résoudre, seule l’aventure de la mixité,
l’osmose entre hommes et femmes pourront résoudre l’inégalité persistante entre hommes et femmes notamment au niveau des salaires ».
Camille Giudicelli, première femme avocate à Marseille, a lorsqu’elle a pris la parole subjugué l’assistance par sa fougue et sa passion indéfectible pour son
métier. Véritable, figure de proue de la profession d’avocat et véritable égérie, elle est et fut une pénaliste hors pair et un exemple pour les générations à venir.
Une seconde partie des allocutions fut consacrée à l’épineux problème de l’inégalité des femmes et à leur précarité face à l’accès aux soins. Annie Lévy-Mozziconacci, médecin généticienne révéla à
l’assistance médusée que certaines femmes n’avaient recours aux soins que lorsqu’elles étaient enceintes…
Xavier Dufrénot, directeur d’Humani-Terra bouleversa l’assemblée lorsqu’il relata le cas d’une jeune patiente, Aminata, originaire du Burkina Fasso.
Cette jeune fille, incontinente à la suite d’une grossesse et d’une fistule obstétricale, fut répudiée et mise au banc de la société à cause de ce fléau considéré par sa communauté comme une
malédiction, alors que cette pathologie peut, en fait, se soigner grâce à une petite intervention chirurgicale de 40 minutes. Xavier Dufrénot a rappelé que 90% des 400 000 décès maternels
pourraient être évités grâce à de simples interventions chirurgicales comme des césariennes par exemple. Cette plongée au cœur de l’insoutenable détresse de certaines femmes en situation de précarité
a, me semble -t-il, relativisé certaines autre problèmes, qui pleuvent apparaître à l’aune de certaines tragédies des problèmes de riches et d’egos.
Norbert Rouland, professeur émérite à la faculté de droit-AMU a, sous son air de pince sans rire détendu l’atmosphère en rappelant que, selon les les lois
françaises, les femmes avaient des droits en matière de jouissance et qu’elles pouvaient très bien avoir recours à la justice si leur mari était trop pressant, avait un addiction au sexe ou au
contraire s’il ne ne montrait pas à la hauteur lors de ses performances sexuelles.
Après une rétrospective exhaustive du combat et des conquêtes des femmes effectuée par l’historienne Catherine Marand-Fouquet, cet après-midi de rencontres se termina par le témoignage
éloquent d’une femme politique sur la difficulté des femmes à exercer en politique.
Françoise Cauwell, conseillère municipale à la mairie de Fréjus interviewée et assistée de son avocat, Maître Michel Dossetto témoigna de la misogynie dont sont trop souvent victimes les femmes en politique et relata sa pénible expérience, expérience à partir de laquelle, elle a d’ailleurs écrit un livre préfacé par Charles Berling, intitulé : « Occupez-vous de vos fesses » : récit d’une femme en politique ». Architecte de formation, chargée des projets culturels de la ville de Féjus depuis des années, Françoise Cauwell en binôme avec Elie Brun, successeur de François Léotard, victime d’un burn out, s’est retrouvée avec son binôme sans l’investiture UMP lors des élections municipales de 2014. Elle s’est donc présentée sans étiquette et a été élue conseillère municipale dans l’opposition à la mairie de Fréjus où David Rachline d’obédience FN a remporté le poste de maire. Outre la douleur de voir sa ville tomber entre les mains du FN, l’élue déclare avoir subi le mépris de ses condisciples masculins qui l’ont traitée de haut et avec condescendance jusqu’au jour où les limites supportables ont été outrepassées. « Depuis les élections, c’était très difficile pour moi. Je ne pouvais pas prendre la parole, sans me faire huer, mais le 22 juin 2016, le cap a été franchi, je me suis fait insulter devant tout le Conseil municipal ». Selon Françoise Cauwell, le maire lui aurait, en effet, lancé devant tout le conseil municipal : « Occupez-vous de vos fesses et si vous avez envie qu’on parle de vous, mettez-vous une plume dans le cul ». « Une bande vidéo en possession de la justice le prouve et atteste mes assertions », poursuit-elle. « J’ai alors déposé plainte pour insulte sexiste. David Rachline, pour faire contrefeu a, quant à lui, porté plainte en diffamation contre moi pour des propos que j’ai tenus dans la presse et qui ont été quelque peu déformés, à propos de ventes de terrains dans le Var. L’instruction est en cours et le procès aura lieu le 5 avril à Draguignan ». En attendant l’issue du procès, Françoise Cauwell a créé une association iconoclaste dont le slogan est « L’éthique, pas l’étiquette» dont le but est de promouvoir l’éthique dans le monde politique car estime-t-elle, les électeurs ont perdu confiance dans leurs élus et les estiment tous pourris.
Ce bel après-midi de rencontres et d’échanges se termina par un hommage de Geneviève Maillet à Françoise Héritier, la grande anthropologue et ethnologue, disciple de Claude Lévi-Strauss, récemment
disparue.
Maison de l’Avocat,
51 rue Grignan
Marseille 13006
Catherine Merveilleux
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