A seulement 42 ans, Jean-Philippe Agresti a sous sa responsabilité la destinée de 12 000
étudiants. Docteur en droit et auteur de plusieurs publications, notamment sur la médecine chinoise traditionnelle et sur les déserts médicaux, il a rédigé une thèse sur les régimes matrimoniaux à la
fin de l’Ancien Régime et dirigé de nombreuses thèses. Elu le 22 juin, il a pris ses fonctions de doyen de la Fac d’Aix le 1° juillet dernier.
Nous l’avons rencontré après la rentrée solennelle de la Faculté d’Aix-en-Provence à la Juris’Cup où il devait rencontrer Geneviève Maillet, le bâtonnier de Marseille et diverses personnalités du
monde économique, politique et juridique. Il nous a dressé les perspectives de l’année qui s’amorce. Une année qui sera riche en réformes et en innovations. Il nous a aussi fait part de ses attentes
et de ses convictions en matière de pédagogie.
Catherine Merveilleux : Le tirage au sort pour entrer à l’université a fait couler beaucoup d’encre et a suscité bien des polémiques et bien des inquiétudes. Est-ce-que la Fac de droit a été concernée par cette problématique ?
Jean-Philippe Agresti : Il n’y a pas eu de tirage au sort dans notre faculté. Tous les étudiants qui le souhaitaient ont pu s’inscrire. Cependant certains étudiants se sont inscrits alors qu’ils n’avaient pas les compétences nécessaires.
C.M. : Que se passe-t-il alors pour ces étudiants qui ont mal choisi leur orientation ?
J.-P.A. : N’ayant pas le bagage nécessaire, ils subissent un échec. Or à cet âge, subir un échec est dévastateur, déstructurant. Je
suis farouchement opposé au tirage au sort car c’est profondément inique. Ce sont les compétences qui doivent primer sur le hasard, par contre, force est de constater que certains étudiants ne
choisissent pas la bonne orientation. Une information préalable à l’entrée à l’Université serait plus honnête et moins démagogique. Laisser des Jeunes pleins d’espoir se fourvoyer est intolérable et
inhumain. Il faut aider le futur étudiant en droit à faire son introspection et à évaluer lui-même ses compétences, ses motivations, son projet de vie, le cursus qu’il envisage et lui donner la
possibilité de mettre ces paramètres en adéquation avec la réalité.
Il faut aussi proposer des formations courtes et néanmoins valorisantes à ceux qui le souhaitent et surtout créer des aides sociales, un filet de protection pour les plus de 18 ans qui leur
permettent d’éviter de s’inscrire uniquement à la Fac pour bénéficier d’une bourse, d'une aide au logement, d’un statut ou d’une couverture sociale. Les étudiants dans ce cas représentent environ un
quart des inscrits. Il faut donc trouver des modalités pour éviter ce naufrage.
C.M. : Quelles autres innovations envisagez-vous ?
J.-P.A. : Il me paraît crucial de personnaliser l’enseignement. La démagogie qui consiste à faire croire ou à feindre de croire que tout le monde a les mêmes compétences ou le même niveau a, en fait, de effets pervers. C’est une chimère. Ce leurre ne fait que creuser les inégalités et les différences.
C.M. : En quoi cette rentrée est-elle particulière ?
J.-P.A. : Nous sommes en fin de contrat. Cette rentrée est particulière car un nouveau contrat va être établi pour les 5 années à venir. J’ai donc la responsabilité de préparer en concertation avec le Ministère un nouveau contrat pour les 5 années à venir. De nombreuses réformes vont avoir lieu à propos de la méthodologie et de l’évaluation des connaissances. Ces réformes seront mises en œuvre à partir de la rentrée 2018. Je souhaite notamment renforcer les T.D et revoir les modalités d’évaluation des connaissances avec des épreuves plus longues et plus d’oraux.
C.M. : Quelles sont les initiatives que vous comptez mettre en œuvre et vos priorités ?
J.-P.A. : Je crois beaucoup en la transversalité entre l’enseignement dogmatique et le monde du travail. Je souhaite multiplier les rencontres avec le monde socio-professionnel et permettre aux étudiants de rencontrer des professionnels que ce soient des avocats, des magistrats, des notaires ou des spécialistes en droit bancaire, en droit maritime, en droit aérien ou en ressources humaines. Je suis aussi un fervent adepte de la recherche. Il me paraît essentiel de faire évoluer les vieux stéréotypes. Il faut faire notre introspection et faire preuve de générosité pour faire évoluer la société en vue de l’intérêt général souvent oublié au profit des intérêts particuliers. La recherche, c’est le progrès que ce soit dans le Monde médical, les Sciences humaines ou le Droit. La Faculté d’Aix-en-Provence est une véritable institution riche de ses 6 siècles d’histoire et d’existence. Elle doit occuper la place prestigieuse qui est la sienne, mais aussi s’inscrire dans la modernité grâce à une transversalité avec le monde socio-économique et grâce à la recherche de nouveaux modèles de société qui ne laisseront plus personne sur le bord de la route.
Catherine Merveilleux
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